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quand on n’est pas dans la vérité, quand on ne vit pas comme on pense, quand on ne parle pas comme on vit, ni comme on sent ? A ne découvrir jamais qu’un morceau d’elle-même, l’âme s’use. Son énergie est comme brisée, comme morcelée. Tout à l’heure, en causant avec Richard, je me montrais tel que je suis. Je ne mentais pas, et de la force me venait. Bernardine est arrivée. J’ai dû me replier, dissimuler. Du coup, la force est partie. Mais c’est avec elle surtout que je n’ai pas le droit d’être vrai, et à cause d’elle et à cause de l’autre... Soit. Mentons, mentons... Et méprisons-nous.


SCÈNE SEPTIÈME
BERNARDINE, JULIE, VAUCROIX.
JULIE. Elle entre la première et gaiement.

Pierre, ça y est. Comme je suis heureuse ! Bernardine n’a pas d’objections. Vous viendrez tous à Biarritz.

BERNARDINE.

Sous la réserve de l’approbation de Louvet.

JULIE.

Entendu. Mais j’ai fait assez de Croix-Rouge depuis un an pour savoir que le soleil et l’Océan sont les deux grands remèdes.

VAUCROIX, avec une cordialité jouée.

Et aussi l’amitié. C’est si bon de retrouver les affections que l’on a quittées aussi chaudes au retour qu’au moment du départ ! Sous ce rapport-là, je suis très gâté.

JULIE.

Mais c’est nous que vous gâterez en venant, Bernardine, vous, et les chers enfans. En ont-ils poussé de gentils cris de joie ! N’est-ce pas, Bernardine ? Et puis, mon pauvre Pierre, préparez-vous à rester longtemps, longtemps. Nous ne vous laisserons repartir que retapé, là, tout à fait. Je rentre écrire la bonne nouvelle à mon mari.