milieu de l’orage, ne sait quelle roule il doit suivre. Il est vrai qu’autant la réussite de ce premier plan m’offrait d’avantages, autant le non-succès prêtait au blâme. Mais, en entrant en France, je n’ai pas pensé au rôle que me ferait une défaite ; je comptais, en cas de malheur, sur mes proclamations comme Testament et sur la mort comme un bienfait. Telle était ma manière de voir...
« J’ai encore vu peu le pays, mais ce que j’ai lu et entendu dire sur les Deux Amériques m’a fait faire quelques réflexions que je soumets à votre jugement. Tous les États-Unis d’Amérique, jadis colonies européennes, ont été fondés sous des auspices plus ou moins favorables. Lésés dans leur intérêt, qui ne pouvait être que commercial, ils se sont détachés de la mère-patrie, ils ont fait un nœud au lien qu’ils avaient coupé, afin que le tissu ne s’effilât pas, et, après cette simple opération, ils se sont constitués en nations. Mais un mineur qui se déclare indépendant à seize ans, quelle que soit sa force physique, n’est qu’un enfant ; l’on n’est homme que lorsque l’on a atteint le développement de toutes ses facultés physiques et morales. Or ce pays a une force matérielle immense, mais de force morale, il en manque totalement. Les Etats-Unis se sont crus nation dès qu’ils ont eu une administration élue par eux, un président et des Chambres ; ils étaient et ne sont encore qu’une colonie indépendante. Cependant, tous les jours, maintenant, la transition s’opère, la chenille se dépouille de son enveloppe grossière et prend des ailes qui relèveront plus haut, mais je ne crois pas que cette transition s’opère sans crises et sans bouleversemens. Dans le principe, toute colonie est une vraie république, c’est une association d’hommes qui, tous, avec des droits égaux, s’entendent pour exploiter les produits d’un pays. Qu’ils aient pour chef temporaire un gouverneur ou un président, peu importe. Ils n’ont besoin pour se gouverner que de quelques règlemens de police. Cela est si vrai que la Caroline du Nord, je crois, ayant demandé au célèbre Locke une constitution, celui-ci, croyant avoir affaire à une nation, lui envoya des lois où tous les pouvoirs étaient balancés comme dans une société européenne, où, sur un petit espace de terrain, il y a des millions d’hommes qu’il faut faire concourir au même but, quoiqu’ils aient des intérêts opposés les uns aux autres. La constitution de Locke ne put. être mise en pratique. La population