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parisienne, s’offre déjà à remplacer les produits de Mannheim ; des acheteurs suisses, italiens, espagnols, hollandais, argentins, brésiliens lui ont pris de très grosses commandes ; elle a dû les inviter à réduire les ordres. « Si je pouvais livrer, me déclare le chef de maison, je prendrais, en poupées, pour deux millions de commandes. La plus forte maison de Buenos-Aires (Hartmanshenn et Cie), qui se fournissait d’ordinaire à Leipzig, est venue s’approvisionner à Lyon. Des Sociétés Oyonnaxiennes se félicitent avant tout des affaires qu’elles ont engagées, leur production étant limitée cette année par suite de la réquisition de leurs usines pour la nitration du coton. La fabrique Neuchâteloise d’objets en bois, les tourneries du Jura, les magasins d’articles en corne de Niort, les maisons de jouets en tissus qui travaillent sur de charmans modèles de Benjamin Rabier ne cessent de remplir leurs carnets. Plusieurs stands offrent avec succès des voitures d’enfans. La Fédération du jouet français, qui s’est fondée en 1915, escompte, par cet afflux de commandes, le rapide développement de son industrie. L’ancienne maison Jumeau, qui déclare lutter contre l’Allemagne depuis dix-sept ans, estime que, si les tarifs douaniers sont bien établis, au moment de la paix, le « bébé allemand, » fabriqué à Sonneberg, ne pourra plus rentrer en France. Les Américains ont leur part de l’aubaine ; sous mes yeux, une de leurs maisons vend à un client anglais quinze cents grosses de poupées en métal.

On sait que nos glorieux mutilés sont dirigés, en divers ateliers, vers cette fabrication pleine d’avenir. Notre Ecole Joffre, de Lyon, a eu sa part de succès. L’Atelier du blessé, que patronnent Mmes Viviani et Paul Poiret, triomphe. Il expose les travaux exécutés au Grand Palais, dans les hôpitaux Buffon et des Arts et Métiers : vannerie fine, étains repoussés, sacs de cuir, boites à parfums, petits objets de toute façon précieux, d’un art charmant et complètement français ; chacun d’entre eux porte le nom du soldat qui l’a exécuté. D’adorables compositions, groupant de spirituelles silhouettes de bois, reproduisent, avec les corrections de la fantaisie la plus gracieuse, des scènes du Vieux-Biskra ou du pays Basque, un marché en Bretagne, un village d’Alsace. Art savant et ingénu tout ensemble, où les grands enfans que nous sommes prennent encore plus de plaisir que les petits ; la couleur a de l’esprit autant que la ligne ;