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qu’il sache à quoi s’en tenir avant d’arriver. Adieu, ne soyez point inquiète et ne vous impatientez pas de la route. Il donnera de ses nouvelles à M. Rahn. Adieu, recevez l’assurance de mon amitié. — Louis. »


Samedi matin 5 août.

Grâce au ciel, le Prince est arrivé sain et sauf. En rentrant hier soir, j’ai fait ma toilette pour veiller, et nous avons couché la Reine. A peine était-elle endormie et toute la maison tranquille, que j’ai entendu une voiture du côté de Maunbach. En suivant le son, elle tournait la maison. Je n’osais ouvrir pour regarder, j’étais dans une agitation extraordinaire ; enfin, malgré les volets fermés, j’ai vu les lanternes de la voiture arrêtée devant chez Vincent. J’ai couru tout doucement chez M. Conneau. J’ai ouvert sur la terrasse et me suis assurée que le Prince était arrivé…

A une heure, comme je faisais une infusion de tilleul à la Reine qui était bien agitée, Conneau est venu se coucher, il m’a conté que le Prince était parti le 31 avec un passeport américain…


Dimanche 6 août.

Outre que je n’ai pas dormi hier, la journée a été si remplie pour moi d’émotions si nombreuses et si vives qu’elle m’a paru avoir la longueur d’un siècle. J’étais si agitée de ma nuit que, le matin, je me suis promenée longtemps sur la terrasse en chenille, tout en causant avec MM. Cottrau et Tascher. A neuf heures, j’ai fait appeler Mme Cailleau, et, lorsque j’ai été habillée, j’ai couru chez le Prince, je l’ai embrassé avec bien de l’émotion. Il m’a dit qu’il était charmé de me voir. Je l’ai trouvé maigri. Après quelques mots insignifians, on est venu à parler de la Reine, et je me suis sauvée fondant en larmes, ne voulant pas que mon attendrissement gagnât le pauvre Prince, qui doit être encore plus malheureux que moi, quoiqu’il fasse bonne contenance. Après les remèdes, on avait remis à la Reine une lettre apportée, soi-disant par un exprès de M. Rahn. Le Prince avait daté de Mannheim, du 3, en disant qu’il serait ici samedi entre onze heures et midi. La Reine s’était endormie deux fois après cette nouvelle, et on guettait son réveil pour lui annoncer l’arrivée. Je tremblais comme si on allait lui faire