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LE
TROISIÈME CENTENAIRE DE SHAKSPEARE
ET LA
QUESTION SHAKSPEARIENNE

La guerre est venue troubler les projets de fêtes pacifiques et internationales par lesquelles le monde allait s’associer à l’Angleterre pour commémorer le troisième centenaire de la mort de Shakspeare. Mais elle n’empêchera pas la race anglaise de célébrer son héraut, le poète qui, depuis trois siècles, lui représente à elle-même la plus ample et la plus complète expression de son génie, la source toujours vive de son imagination, le miroir de sa pensée et de ses rêves. Ce n’est pas quand un grand peuple prend plus nettement conscience de sa vie nationale, que la gloire de son poète national lui deviendra moins chère, et nos Alliés seront justement fiers de faire monter, au milieu même du tumulte des armes, le chant toujours immortel de la musique shakspearienne.

Musique merveilleuse d’un instrument presque invisible. Elle semble s’élever du cœur même de la race et de la nation. Ce William Shakspeare, de Stratford-sur-Avon, qui est-il donc ? Un villageois obscur, devenu comédien, — presque un inconnu. Vers le milieu du dernier siècle, quelqu’un s’avisa qu’il pourrait bien n’être qu’un prête-nom. Cherchez l’auteur. C’est toute la question shakspearienne. Ardemment débattue en Angleterre et surtout en Amérique <[1], elle ne ressemble en

  1. Elle est peu connue en France, où il n’en a guère été reparlé depuis que M. Henry Cochin, dans le numéro du 1er novembre 1883, l’indiquait incidemment aux lecteurs de la Revue des Deux Mondes, en leur retraçant les principaux traits de la vie de Shakspeare, tels qu’ils ressortaient des recherches les plus récentes.