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l’Inner Temple et Gray Inn, institutions fraternelles, se réunissaient dans certaines circonstances, notamment pour les réjouissances de Noël, et il y avait entre elles une sorte de franc-maçonnerie. Or, Bacon était membre de Gray Inn, où il garda son logis durant la plus grande partie de sa vie.

La publication du fameux in-folio de 1623, première édition complète des œuvres, vient prendre tout naturellement place à sa date dans la vie de François Bacon. Celui-ci était d’avis qu’un écrivain doit autant que possible différer la publication de ses œuvres, afin de les améliorer sans cesse. Disgracié en 1621, il passa ses dernières années à mettre les siennes en ordre et publia en 1625 The New Atlantis et le Novwn Organum. De même, il aurait fait publier en 1623 les trente-six drames, revus avec soin ou encore inédits.

Enfin, il est tels indices révélateurs qui paraissent confirmer ces deux ordres d’argumens. On a découvert, par exemple, à Northampton House, en 1867, des manuscrits de Bacon renfermant les titres des deux pièces Richard II et Richard III, le nom de William Shakspeare, quelques vers du poème le Rapt de Lucrèce, et le mot de basse latinité rapporté par Ducange et cité par Costard dans Peines d’amour perdues : Honorificabilitudo. N’est-ce pas là comme un regard qu’il nous a été donné de jeter dans le cabinet de travail de Bacon et qui nous permet de surprendre son secret ? Ce seul mot Honorificabilitudo est devenu le point de départ de tout un système, qui a donné à la théorie baconienne, en Amérique surtout, et depuis une trentaine d’années, une nouvelle forme. Partant de ce principe que Bacon avait dû prendre, en cachant son œuvre, les précautions nécessaires pour que la vérité fût connue un jour, certains adeptes ont supposé l’existence d’un « chiffre » propre à dévoiler le mystère. Et ils n’ont pas eu de peine, — car en ces matières on découvre tout ce qu’on veut, — à le découvrir. C’est M. Ignatius Donnelly, de Hastings (Minnesota), qui a, le premier, exposé l’hypothèse dans toute son ampleur, au cours de deux gros volumes : Le grand Cryptogramme : le chiffre de François Bacon dans les soi-disant pièces de Shakspeare (Chicago et Londres, 1887). L’auteur prétend appliquer au texte du premier in-folio un chiffre qui lui permet de choisir, à des intervalles déterminés, des lettres formant des mots et des phrases destinées à établir que Bacon a écrit non seulement les pièces