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Il ne jouira pas contre elles du bénéfice des gaz léthifères : le vent qui les porte en avant ne les portera pas sur les côtés. Et la pointe offensive, enfoncée comme un coin dans la masse ennemie, risquera fort d’y être écrasée par la pression croissante des contre-offensives latérales. C’est bien, en dernière analyse, ce qui est arrivé au Nord d’Ypres en avril 1915. Malgré la surprise de ce nouvel engin de guerre, l’attaque a finalement été paralysée. Elle n’est efficace que pour enlever des saillans.

D’ailleurs, on n’a pas tardé, grâce aux masques protecteurs, à. rendre les gaz à peu près inopérans. Un autre procédé, celui des liquides enflammés, qui semble plus terrible encore, parce qu’il ne comporte à peu près aucune protection, ne donne pas jusqu’ici beaucoup plus de résultats, à cause de sa faible portée et pour quelques autres raisons qui en ont empêché jusqu’ici la généralisation. Nous voyons cependant nos ennemis en faire un usage croissant dans le combat rapproché. Quand les lignes sont à moins de trente ou quarante mètres, on peut, de l’une, arroser l’autre de feu. Pour l’assaut, l’infanterie est précédée d’un détachement d’incendiaires, portant chacun un réservoir individuel à liquides enflammés. Il peut les projeter à une trentaine de mètres, c’est un progrès sur la baïonnette.

Si les Allemands avaient compté sur les gaz pour obtenir au Nord d’Ypres un effet de surprise, ils n’avaient pas négligé de développer en même temps les méthodes du combat déjà usité. Nous en faisions autant de notre côté. De là, la préparation simultanée de deux actions vouées à un succès bien différent, celle de Gorlice et celle de Notre-Dame de Lorette. A Gorlice, l’attaque allemande commencée le 1er mai abordait un adversaire trop confiant, dont la ligne, aventurée et un peu faible, avait poussé peut-être trop vite, dans les Carpathes, ses avantages contre des Autrichiens et ne s’attendait pas à recevoir le choc des armées du Kaiser. Des trahisons intérieures avaient préalablement désarmé les Russes ; on avait en particulier fait sauter leur principale fabrique de munitions. Aussi l’attaque va-t-elle réussir contre eux, et leur dénuement les obligera-t-il à reculer jusqu’à ce qu’ils aient pu reconstituer des approvisionnemens. Toutefois, notons que cette guerre de mouvement ne couvrira le terrain qu’à l’allure très réduite de quatre kilomètres par jour. Ce n’est plus le mouvement libre des lendemains de bataille napoléoniens.