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En Artois, nous sommes moins heureux. Nous ne perçons pas, nous n’avançons que sur un point très limité.

Ici et là, même méthode : on aura fait brèche dans les tranchées au moyen de l’artillerie, spécialement de l’artillerie lourde : 1 500 pièces, a-t-on dit, avaient été rassemblées devant l’étroit secteur d’attaque de Gorlice. La préparation d’artillerie fut formidable. Elle le fut plus encore autour de Notre-Dame de Lorette, et plus savante, plus minutieuse, plus longue. Elle y parvint à briser la résistance de l’ennemi sur la plus grande partie du front attaqué. Détruit, désarmé ou démoralisé, surpris par l’élan soudain de notre première vague d’assaut, il céda presque sans lutte de larges espaces. Mais l’organisation des réserves et des positions de soutien nous aurait arrêtés, quand bien même un certain nombre de refuges souterrains n’eussent pas conservé des mitrailleuses prêtes à maintenir des saillans dans notre ruée et à en paralyser la progression par des feux de flanc.

La préparation n’avait pu anéantir ni toutes les cachettes à mitrailleuses, ni tous les réseaux de fil de fer. Elle était impuissante à réduire au silence les contre-batteries ennemies.

Sur un terrain moins difficile, l’expérience, mieux montée encore, fut reprise en Champagne le 22 septembre 1915. Il y eut progrès sur la largeur du front d’attaque et sur l’intensité de la préparation. L’assaut, précédé d’un bombardement de soixante-douze heures, put se développer sur une table rase ; la défense avait été pulvérisée. Nous gagnions ainsi, en une matinée, presque sans coup férir, une bande d’une lieue de profondeur sur six de large.

Pourtant, si l’extension du bombardement en largeur avait désemparé les ripostes latérales de façon à laisser au centre, pour notre avance, une voie libre de leurs menaces, nous n’avions pas réalisé le même effet destructeur dans la zone d’arrière, où subsistaient des forces d’artillerie et d’infanterie à peu près intactes : il aurait fallu tripler ou quadrupler la profondeur battue, ce qui, les objectifs étant plus lointains, eut demandé peut-être dix fois plus de canons et d’obus à grande portée. Nos réserves, obligées d’accéder au champ de bataille sous le feu des pièces ennemies, devaient prendre des précautions, s’engorger dans les boyaux ; elles ne pouvaient donner, aux points nécessaires, le débit qui eût poussé irrésistiblement