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qu’un capitaine allemand, Walter Bloem, attaché au gouvernement général allemand à Bruxelles, et qui accompagna comme adjudant le général von Bissing en tournée d’inspection, ait rappelé, précisément au sujet de Louvain, dans la Gazette de Cologne, les principes de ce qu’il appelle lui-même la « théorie de l’intimidation : »


Les innocens doivent pâtir avec les coupables et, lorsque ces derniers ne peuvent pas être découverts, ils doivent pâtir à la place des coupables, non point parce qu’un crime a été commis, mais pour qu’à l’avenir il n’en soit plus commis. Tout incendie de village, toute fusillade d’otages, toute décimation de la population d’une commune dont les habitans ont pris les armes contre les troupes envahissantes, tous ces faits sont beaucoup moins des actes de vengeance que des avertissemens pour les villes non encore occupées.

Et il y a ceci qui ne peut faire de doute : c’est précisément en tant qu’avertissement que les incendies de Battice, de Herve, de Louvain et de Dînant ont eu de l’effet. La mise à feu obligée (erzwungene), le sang répandu dans les premiers jours de la guerre, ont préservé les grandes villes belges de la tentation de s’en prendre aux faibles garnisons que nous pouvions y placer. (Kœlnische Zeitung, 10 février 1915.)


II

Il nous reste à dire quelques mots d’un document capital entièrement inédit, publié in extenso dans l’appendice du Livre Gris. Il s’agit d’une double protestation officielle de Mgr Heylen, évêque de Namur et de Mgr Rutten, évêque de Liège, contre les accusations du Livre Blanc concernant leurs diocèses respectifs. Mgr Heylen a envoyé cette double protestation, d’une part, au général von Bissing, avec une lettre datée du 6 novembre 1915, d’autre part, au Souverain Pontife, avec une lettre datée du 7 novembre 1915 ; il l’a remise aussi aux représentans des pays neutres en Belgique ; elle est accompagnée d’un mémoire de sa main daté du 31 octobre 1915 pour ce qui concerne son diocèse, et d’une lettre-mémoire de Mgr Rutten, évêque de Liège, du 1er novembre 1915, pour ce qui concerne celui de Liège.

La lecture de ces documens suscitera une émotion profonde. Point de phrases, rien que des faits ; les constatations les plus épouvantables rapportées avec une pleine maîtrise de soi ; les conclusions rigoureusement déduites et énoncées avec une