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désormais possible ; et précisément l’invasion de la Belgique est un fait de cet ordre. Tout récemment encore une feuille officieuse de Berlin, la Gazette de l’Allemagne du Nord, a reconnu, avec une impudence effarante, que l’Allemagne tirait de la Belgique absolument tout le profit qu’elle en pouvait tirer. « L’impôt que nous exigeons aujourd’hui de la Belgique représente la limite extrême de la capacité financière de ce pays, qui a eu déjà, naturellement, à nous dédommager de toutes les dépenses qu’il nous avait coûtées. »

Et c’est pour le maintien d’une oppression aussi monstrueuse que travaillent à présent nos lâches pacifistes, en s’efforçant de rendre impossible tout envoi d’armes et de munitions destinées aux Alliés ! Et nous songeons qu’il y a eu un temps où les Américains s’enorgueillissaient de soutenir Kossuth et Garibaldi, où ils souscrivaient des sommes considérables pour les victimes de l’oppression en Irlande et en Pologne, un temps où toute nation injustement opprimée était sûre d’éveiller leur active sympathie ! Ces Américains d’une espèce désormais éteinte ont dû frémir douloureusement dans leurs tombeaux, en apprenant que de prétendus amis de la paix étaient en train d’agir maintenant au profit d’un peuple d’oppresseurs qui venaient de fouler aux pieds le corps et l’âme de la paisible, inoffensive, et loyale Belgique !


A propos de ces efforts, — heureusement avortés, — d’un groupe de « pacifistes » des États-Unis pour faire interdire l’exportation en Europe d’armes et de munitions américaines, M. Roosevelt nous révèle un détail curieux. On sait que l’un des articles de la Convention de la Haye stipulait précisément l’entière faculté, pour tous les pays neutres, de fournir de munitions et d’armes les troupes de telle ou telle nation belligérante, — cette même faculté contre laquelle s’élève aujourd’hui l’Allemagne. Or c’est précisément l’Allemagne qui naguère, à la Haye, a d’abord proposé l’adoption de l’article, et montré le plus d’ardeur à le faire voter ! Son unique objet était, à ce moment, de conserver ou d’étendre la fructueuse clientèle que s’étaient acquise, à l’étranger, les produits de la maison Krupp et d’autres fameux ateliers allemands ; et toujours, depuis lors, elle a très largement utilisé à son profit la clause ainsi votée sous son inspiration. C’est l’Allemagne qui, pendant de longues années, a procuré à la Turquie le moyen de « tyranniser les Chrétiens de ses provinces d’Europe et d’Asie. » C’est elle qui a installé des canons fabriqués à Essen dans les forts de la Belgique, — en ayant soin de garder des plans minutieux de ces forts, comme aussi de toutes les localités environnantes. Dans la guerre des Anglais contre les Boers, — et malgré toutes ses préférences secrètes en faveur de ceux-ci, — l’Allemagne a livré aux armées anglaises 108 canons de quinze livres à tir rapide,