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Il s’est fait un peu prier pour convenir que oui ; il m’a dit que, les rentes n’étant pas mentionnées dans ce que laissait sa mère, cela voulait dire qu’elle en avait disposé, et quant à la boite, elle n’avait jamais existé peut-être,... quoique Malvina raconte qu’il y a dedans une lettre qui a pour adresse : A mon fils, — ce qui serait un amer regret pour lui. — J’ai bien reconnu là sa bonté, sa générosité et sa noblesse de cœur. C’est un trait bien digne de lui. Je lui ai dit que j’avais pensé à partir, dès que la Reine avait eu les yeux fermés, mais que je ne m’éloignerais pas que toutes les affaires fussent réglées. Il m’a fort engagée à ne pas me presser. J’ai ajouté que j’emporterais de son amitié ce que je pourrais, mais que je voulais son estime tout entière et qu’avant de partir, je voulais qu’il me dise tout ce qu’il avait contre moi et tout le mal qu’on lui a dit de moi. Il m’a répondu que je connaissais la franchise de son caractère et qu’il m’avait presque tout dit. Là-dessus, il m’a quittée, me laissant un peu blessée de sa froideur lorsque je lui montrais tant d’émotion. Lorsque Mme Cailleau est venue m’habiller, elle m’a conté qu’elle allait être très heureuse, que le Prince, au lieu de s’en tenir aux volontés de sa mère, leur donnait 12 000 francs et un logement à Gottlieb. Quand je l’ai revu plus tard, je l’ai grondé de se laisser aller ainsi à sa générosité : finalement, il ne lui restait plus rien !

... Dans l’après-midi, nous avons transporté cette chère morte de son lit dans la petite serre où l’autopsie devait se faire ; c’était une dernière séparation qui me déchirait l’âme ; c’était un adieu éternel à tout ce qui reste de cette angélique créature tant aimée ! J’ai mis ses boucles d’oreilles qui viennent de l’Impératrice et qu’elle donne à la grande-duchesse (avec ses cheveux que M. Conneau avait soigneusement coupés), ses bagues et ce petit bracelet, qui l’a tant amusée ! dans une cassette, et j’ai porté le tout chez le Prince. Il est venu me retrouver chez lui comme j’en sortais, j’y suis restée un moment à causer et pleurer avec lui. Il m’a montré le passage du testament qui me regarde, la lettre d’adieu que lui écrivait sa mère en Amérique, quand on devait lui faire l’opération et qui l’a tant ému qu’elle a décidé son départ... Cela m’a fait du bien de causer ainsi avec lui avec intimité et confiance... J’avais tant pleuré que j’ai voulu prendre l’air pour me remettre. M. Visconti m’a accompagnée par curiosité, mais il en savait