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moins du monde mortifiée de ce qui venait de se passer. Après déjeuner, on a continué les recherches, on est revenu chez moi, parce qu’on n’avait pas visité mon lit ! C’était une bêtise atroce passant toute idée. Cette incroyable visite finie, je suis revenue me mettre sur mon lit... puis, j’allais m’endormir lorsque M. de Querelles est arrivé tout essoufflé me dire que tout était retrouvé. Ni lui ni moi n’avons pensé à l’inconvenance qu’il entrât ainsi chez moi. Je le remerciais, lorsque le Prince est arrivé aussi pour me dire que tout était retrouvé : « Vous verrez comme maman a été bonne pour tout le monde ; elle n’a oublié personne ; elle pense aussi à vous. » Je lui ai tendu la main et je l’ai embrassé, quoique dans mon lit. J’étais contente pour lui et pour moi. C’eût été la perdre une seconde fois que de ne pas trouver ses dernières volontés. Le testament s’était trouvé tout bonnement au fond d’un tiroir, ce que je ne m’explique pas.

Tout le monde étant rassuré là-dessus revenait à sa douleur, et nous nous succédions avec empressement près du corps de ma bien-aimée Reine. Mme Lindsey avec le chanoine et Mme de Graimberg que je n’ai fait qu’apercevoir et, bien tard, Mme de Crenay et Louise, qui sont venues me trouver chez moi pour pleurer après l’avoir vue... Mme Salvage a daigné nous faire venir chez elle, avant les femmes de chambre, Elisa et moi, pour nous lire la copie du passage du testament qu’il nous était permis de voir. La Reine nous remercie, Elisa et moi, de « nos bons soins. » — Mme Salvage substitue « les services, » — et nous donne à chacune 1 000 francs de pension, 500 francs pour notre voyage, un cachemire et un bijou ; moi, j’ai un gros bracelet vert qu’elle portait toujours. Mme Salvage est exécutrice testamentaire et dans les termes les plus flatteurs. Elle est triomphante. C’est à elle qu’on confie les Mémoires jusqu’à ce qu’on les imprime ; toute l’estime, toute la confiance est pour elle. En cela, la Reine n’a pas été de toute justice. Dépouillez Mme Salvage de ses 50 000 francs de rente, et l’on verra ce qui lui reste de mérite !...

... Le vendredi, nous nous sommes encore relayées près de notre chère morte. Le matin, le Prince est venu me remercier des soins que j’avais donnés à sa mère. Il a été froid, poli, et moi, très émue. Je lui ai dit ce à quoi j’avais réfléchi toute la nuit. C’est qu’il n’a retrouvé ni la boîte de fer-blanc, ni les rentes, et qu’il a dit cela pour mettre fin aux interprétations.