Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/478

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aussi le Crown security bill a-t-il jadis supprimé l’échafaud, et atténué en simple « félonie » la haute trahison. « Il y aura, disait le solicitor général, un grand avantage à convertir la trahison en simple félonie, parce qu’il y a des gens qui commettent des crimes uniquement pour faire parler d’eux. C’est pour cela qu’on se jette du haut de la colonne. » Ce qu’on nous a conté des meneurs du Sin-Fein n’engage pas à corriger la rigueur de ce jugement.

Les procédés, les moyens sont les mêmes. Ce sont ceux de la guerre révolutionnaire, de la guerre de rue, qui n’exclut pas les plus abominables. L’autre semaine, Dublin a revu les flammes de cet enfer jaillir du soupirail et de la fenêtre. Le pétroleur, ou la pétroleuse, est, depuis longtemps, de toutes les Communes. Chacun, homme ou femme, récite sa théorie, son catéchisme du parfait insurgé : « bloquer les troupes dans leurs casernes, couvrir la ville de barricades, couper les chemins de fer. » La leçon de nos Journées parisiennes n’est pas perdue. L’organe de John Mitchell, l’United Irishman, a baptisé ces gentillesses : « Plan d’opérations à la mode française, French fashion. »

La conduite de l’affaire et sa fin sont les mêmes. On ne s’est pas plus caché, cette fois-ci, des autorités constituées que ne s’en cachaient les « confédérés » d’autrefois, lorsqu’ils avaient l’audace d’écrire « à Son Excellence le comte de Clarendon, espion général de Sa Majesté et suborneur général en Irlande » : « Il n’y a point de jour fixé pour la prise du château. Vous le saurez aussitôt que nous. Vous le fixerez vous-même. » Pareillement, ou parallèlement, les autorités d’autrefois ne s’en inquiétaient pas plus que ne se sont émues celles d’hier, au moins tant qu’elles n’eurent devant elles que des meetings et des revues : « Le gouvernement anglais assistait à ces grandes démonstrations verbales avec la plus désolante impassibilité. » Mais soudain des clubs remplacèrent ces grands meetings que dédaigneusement Wellington avait traités de « farces. » L’agitation irlandaise, de type oratoire et procédurier, telle que l’avait menée Daniel O’Connell, en maître et presque en roi, qui avait eu sa liste civile et à qui il n’avait manqué que la couronne, retournait à la conspiration de type classique. L’Irlande revenait à son vice invétéré, à sa vieille pratique des sociétés secrètes ; très peu secrètes, puisque les clubistes, par compagnies de vingt ou trente hommes, défilaient devant O’Brien, dans un champ près de Cork, sous le regard placide du lord-lieutenant. Alors, comme à présent, « les jeunes gens des clubs passaient leurs journées dans les tirs à la carabine ou à faire l’exercice avec la pique ;