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disparu avec beaucoup d’autres, où il se dépensa, par la plume et par le crayon, un tel trésor de verve et de fantaisie, et qui ne fut pas toujours juste, mais qui fut toujours amusant ! Il nous était resté, avouons-le, grâce au Don Chisciotte, le souvenir d’un Boselli, — Paolino, comme il l’appelait, à cause de sa petite taille, à peu près celle de M. Combes, — d’un Paolo Boselli, sentencieux, archi-prudent et enveloppant de précautions oratoires excessives, — per avventura! — les propositions les moins téméraires. Et voilà que ce petit homme, à la pensée et à la parole craintives, s’est fait, au jour du suprême sacrifice, la voix magnifique d’un grand peuple, qui, dans le danger, ayant cherché son âme, est unanime à la retrouver en lui !

Sous sa présidence se sont groupés dix-huit ministres : quatorze secrétaires d’État, pour les diverses administrations (quelques portefeuilles ayant été dédoublés), et quatre ministres sans portefeuille. Du ministère Salandra survivent ou revivent : en premier lieu, M. Sidney Sonnino, à l’acceptation ou au refus de qui a été un après-midi suspendue la combinaison ; M. Orlando, naguère garde des Sceaux, maintenant ministre de l’Intérieur; — en novembre 1915, ses amis avaient fait pour lui un autre rêve; — le vieux garibaldien Carcano, ministre du Trésor ; le général Morrone, ministre de la Guerre, et le vice-amiral Corsi, ministre de la Marine. Des quatre nouveaux ministres sans portefeuille, le plus actif sera M. Leonida Bissolati-Bergamaschi, — tout court, Bissolati, socialiste réformiste, qui entre dans le Cabinet avec une sorte de délégation permanente aux armées, en qualité de commissaire civil de la guerre (quoiqu’il ne veuille pas de ce titre) et pour servir, comme représentant du président du Conseil, d’agent de liaison entre le gouvernement et le commandement. La position est délicate ; elle réclame un rare crédit et politique et personnel, que seul peut-être offrait l’initiateur et l’inspirateur de l’Alliance démocratique, maître, depuis des mois, de l’existence, sinon de l’action, du ministère Salandra. Les autres sont : le sénateur Vittorio Scialoja, brillant avocat, juriste éminent, protagoniste déclaré de l’Alliance de la Culture latine, et qui veut la réaliser pratiquement jusque dans le domaine du droit civil et du droit commercial ; le giolittien « interventiste » Leonardo Bianchi, et le républicain Ubaldo Comandini, qui prend lu place du républicain Salvatore Barzilaï. Notons encore la présence d’hommes remarquables à différens égards, comme M. Francesco Ruffini, nommé ministre de l’Instruction publique, hier professeur et recteur de l’Université de Turin, spécialiste réputé du droit ecclésiastique, dans l’étude duquel