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en année, et, si nous les y prenions, c’est que nous y avions économie. Avec la meilleure volonté du monde, nos deux alliés, qui ont eux-mêmes une très grosse industrie à alimenter, ne peuvent exporter chez nous un tonnage beaucoup plus fort ; les Etats-Unis sont loin de nous ; il faudra donc, de toute nécessité, acheter quelque 22 millions de tonnes de houille en Allemagne. L’Allemagne seule à de telles richesses en houille qu’elle peut vendre beaucoup de charbon, surtout si sa sidérurgie décroit. On voit aussitôt combien est vaine la prétention de cesser toute relation industrielle avec les Allemands après la guerre.

Et encore, je n’ai envisagé que les chiffres actuels, sans tenir compte d’un accroissement dans la production industrielle qui se manifeste d’année en année. Pour le traitement du fer, ce gros mangeur de charbon, on s’était outillé, des deux côtés de la frontière, en vue d’un développement intensif. Particulièrement dans notre bassin de Briey, une vingtaine de mines nouvelles devaient atteindre bientôt chacune plus de 2 millions de tonnes de minerais, soit, au total, 40 millions de tonnes, alors que l’extraction de 1913 a été seulement de 19,5. Ce serait quelque 26 millions de tonnes de charbon en plus à acheter. Nous retrouvons donc ici, à l’état aigu, cette difficulté de la houille, sur laquelle j’ai insisté dans un article précédent.

Il y a lieu de considérer aussi, mais, je crois, avec moins d’inquiétude, les possibilités de vente. Sur le marché intérieur, il est certain que l’on peut augmenter notablement la consommation d’acier. Ainsi la consommation de poutrelles, par tête de Français et par an, est seulement encore de 8 kilogrammes, tandis qu’elle a dépassé 12,4 en Allemagne, malgré l’accroissement rapide de la population, qui multiplie ces chiffres par 08 millions d’habitans. La France s’outillait, avant la guerre, pour produire 6 millions de tonnes d’acier en 1920 (dont 2 millions de tonnes dans le Nord), et complaît en trouver aisément le placement. Sur le marché international également, nous avons à reprendre notre place. Tout est à faire dans cet ordre d’idées, comme le montre cette seule observation que le pourcentage de la France dans le syndicat international du rail est le tiers de celui de la Belgique. Mais un marché ne se conquiert pas du jour au lendemain, et, au début, avec les prix que nous serons forcés de demander pour nos produits fabriqués, nos minerais trouveront plus facilement acheteurs que nos aciers.