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des comestibles, envoyez-les aux malades, aux prisonniers et aux pauvres. » Quant aux petits cadeaux faits à la maison, il convient de ne pas les refuser, car « le refus scandalise les Portugais. » Envers le pouvoir civil, respect absolu. Ne jamais rompre avec ceux qui le représentent, quelque erreur qu’ils commettent ; le missionnaire essaiera de les ramener par son exemple et par ses entretiens ; mais il ne se chargera en aucun cas des doléances que les fidèles le prieraient de leur transmettre.

En second lieu, la prédication. « Que le missionnaire ne prêche jamais sur les questions controversées par les docteurs, mais uniquement de choses claires et de doctrine morale. » (Excellent conseil et dont peuvent faire leur profit tous ceux qui vont parler à l’étranger, car il importe d’initier les « gentils » non à nos controverses, mais aux idées nettes et précises qui se dégagent de notre civilisation.) Qu’il s’attache de toute sa force à remuer les passions dans l’âme des auditeurs et qu’il leur tire des larmes. (Ici, je ne puis m’empêcher de remarquer un des traits les plus féneloniens de François de Xavier : l’apôtre des Moluques et l’auteur du Télémaque ont la même conception de l’éloquence et appartiennent à la même famille d’esprits : tous deux impérieux et sensibles, bons observateurs de la nature humaine avec des échappées vers l’utopie, mobiles et autoritaires.) Que le prédicateur ne reprenne jamais du haut de la chaire des hommes importans, car, repris ainsi publiquement, loin de s’amender, ils deviennent pires.

Après la prédication, la confession. Que le confesseur n’inspire aucune crainte aux pénitens jusqu’à ce qu’ils aient achevé l’aveu de leurs péchés. « Faites léger ce qui en soi est grave. » Il y a des personnes qui n’ont jamais osé dévoiler à leurs confesseurs certains péchés, à cause de la confusion qu’elles en ressentaient. « Aidez-les : dites-leur que vous en connaissez qui en ont commis de plus grands ; s’il le faut, découvrez-leur quelques misères de votre vie passée. Parlez de miséricorde et non de désespoir. » (Assurément ce ne sera pas la méthode des Jansénistes, du moins leur méthode avouée ; mais on surprend ici, à son origine même, celle des Jésuites si humaine, et qui date de beaucoup plus loin qu’eux, du premier confesseur qui a connu les fausses hontes du cœur..) Enfin, qu’il n’y ait dans les mortifications imposées rien d’étrange, rien qui excite les moqueries ou les risées du public. (On peut voir dans ce conseil une