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orthodoxes. Évidemment, ils éprouvent un peu d’embarras à mettre d’accord leurs actes d’aujourd’hui et leurs principes de toujours. Au fond, ils craignent de se compromettre politiquement, de trop pencher du côté des Alliés, de la France en particulier. Et pourtant, ils combattent ouvertement dans les rangs de l’Alliance, ils ne discutent pas sur le principe de l’intervention. Dès que le gouvernement la décida, ils s’inclinèrent devant sa décision avec une louable unanimité patriotique. Si leurs mouvemens ne sont pas absolument contradictoires, il faut avouer aussi qu’ils ne s’harmonisent pas très bien entre eux. Ils ont l’air de faire, ici, deux pas en avant, pour faire, ailleurs, deux pas en arrière. Ces marches et ces contremarches excitent les plaisanteries des socialistes officiels, qui s’en vont répétant que les catholiques sont « favorablement contraires à la guerre. » Et ainsi ils donnent à entendre que leurs adversaires sont en réalité avec eux.

Ce n’est là qu’un argument de presse ou de réunion publique. À y regarder de près, les positions des deux groupes sont très différentes. Mais, tout de suite, dans la catégorie qui nous occupe, il sied d’établir des distinctions et de bien préciser de quels catholiques il s’agit. Il va sans dire que la grande masse de la nation italienne est catholique, non pas seulement, comme chez nous, parce que la majorité de la population se range nominalement sous cette étiquette, mais parce qu’elle pratique sa religion, tout en étant très libérale et très tolérante, ou que, sans la pratiquer au sens rigoureux du mot, elle s’en montre très respectueuse et qu’elle y reste profondément attachée. Sans doute, elle se défend de tout cléricalisme, mais elle ne souffre pas qu’on porte atteinte aux traditions religieuses du pays. Est-il besoin de rappeler que, pour cette raison, une loi sur le divorce n’a jamais pu être promulguée en Italie ? Bien plus : un projet de loi sur « la précédence obligatoire du mariage civil, » qui, pourtant, ne blesse point les principes fondamentaux du catholicisme, a rencontré la même obstruction et pour les mêmes motifs confessionnels. Je me souviens, à ce sujet, d’une conversation déjà ancienne avec un magistrat italien, un président de tribunal civil. Comme il m’avait parlé très librement, ne se privant pas de critiquer, avec beaucoup de verve, certains abus ecclésiastiques, ridiculisant certains travers de telle façon que je pouvais prendre le change sur ses sentimens, il me dit tout