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d’insinuations tendancieuses. Je ne me flatte pas d’être plus perspicace ni mieux renseigné que les autres. Je n’ai reçu aucunes confidences. Mais j’ai pu m’entretenir, à ce sujet, avec un personnage ; — il me dispensera de le nommer, — qui fut un ami d’enfance de Benoît XV et qui, aujourd’hui encore, est un de ses familiers. Si je me permets de répéter ce qu’il m’a dit, c’est que peut-être il le souhaitait ; que lui-même a déjà publié des considérations de ce genre, dans la presse catholique italienne, et qu’enfin les intentions qu’il prête au Saint-Père sont tout à l’honneur de celui-ci et ne peuvent que lui ramener, dans notre pays surtout, les esprits soupçonneux ou prévenus.

— Oui, me disait-il, le Pape se réserve ! Peut-être qu’aujourd’hui il ne peut pas faire grand bien, mais je suis sûr que, demain, il en peut faire et qu’il en fera beaucoup. Nul n’est plus désigné que lui pour offrir ses bons offices. Souverain sans royaume, ses ambitions personnelles ne peuvent porter ombrage à personne. L’important est qu’aucune des Puissances intéressées ne proteste contre son admission. Au fond, un accord sur cette question est moins difficile à réaliser qu’on ne le redoute. L’opinion italienne pressentie ne s’y montre point hostile[1], même dans les milieux à tendances démocratiques et nettement anticléricales, mais sous certaines réserves qu’il faudra bien accepter. Les autres Puissances n’ont aucune raison de ne pas suivre l’exemple de l’Italie, sauf peut-être la France. Se montrera-t-elle plus irréconciliable que les propres adversaires du pouvoir temporel ?… Notez d’ailleurs que cette intervention diplomatique est déjà commencée. Ne fût-ce que pour les échanges de prisonniers et de grands blessés, le Souverain Pontife ne cesse de négocier avec toutes les chancelleries européennes. Quand viendra l’heure de la paix, il est qualifié comme personne pour s’interposer entre les belligérans, puisque, grâce à sa réserve, il n’aura d’ennemis nulle part : ce jour-là, des indemnités de guerre, des réparations de dommages matériels, des restitutions de territoires devront être envisagées. Le Saint-Père voudrait s’employer à faciliter tout cela. Si des régions restent encore envahies, il voudrait en obtenir l’évacuation, sans nouvelles effusions de sang. Mais, quoi qu’il obtienne, on peut être sûr d’avance que son arbitrage s’inspirera de la

  1. Cf. Nuova Antologia, 1er avril 1916 : « Comè è in quali limité il Papa può essere ammesso al congreasso della pace, » par Eugenio Valli.