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plus stricte impartialité et du plus haut esprit de justice…

Il faut avouer que, si Benoît XV réussit à réaliser ce généreux programme, il s’acquerra des droits à la reconnaissance de tous les pays et qu’il aura rendu à la Papauté un incomparable prestige. En ce qui nous concerne, nous autres Français, l’essentiel, pour l’instant, c’est que les sympathies du Saint-Père à l’égard de la France ne sont pas douteuses ; c’est qu’il manifeste le plus grand désir de s’entendre avec elle ; et qu’enfin les directions pontificales ne sont pas en contradiction avec le patriotisme italien, et qu’elles ne contrarient point, chez nos voisins, le superbe effort de la défense nationale.


Ainsi, de quelque côté qu’on ausculte l’opinion italienne, on ne perçoit aucun motif d’inquiétude. A l’exception des socialistes officiels, les partis les plus puissans, ou les plus jeunes et les plus riches d’avenir sont bien résolus à poursuivre la lutte. Les autres s’associent de leur mieux à l’entraînement général, et, si, parfois, leur prudence pouvait nous paraître exagérée, leur dévouement absolu à l’intérêt de la patrie suffirait pour nous rassurer. Mais toutes ces nuances se fondent et s’harmonisent dans le sentiment populaire. On ne saurait trop le répéter : le peuple italien tout entier est avec nous.

Le dernier soir que je passai à Rome, je méditais sur les impressions diverses, souvent incohérentes de mon voyage. Et à mesure que j’évoquais les visages, que je me rappelais les voix entendues, je sentais toutes les dissonances s’affaiblir et s’accorder enfin en un concert unanime. C’était par un soir très doux du printemps. Je voulais saluer une dernière fois le Capitole, contempler encore les palais orangés découpant leurs nobles silhouettes sur l’azur velouté du ciel romain. La rampe majestueuse de l’Ara-Cœli était encombrée d’uniformes : culottes grises à liséré jaune de l’infanterie, chéchias écarlatés des bersagliers, éclatans comme de rouges coquelicots. Autour de la statue équestre de Marc-Aurèle, la main tendue en un geste d’apaisement, de protection et de bonté, des troupiers assis par terre fumaient leurs pipes, commentaient les lettres arrivées du pays, causaient de la femme et des enfans laissés au foyer. D’un pas rapide, des ouvriers, rentrant du travail, traversaient la place. Tout était calme et joyeux. Malgré la présence insolite