n’aurons plus le courage de nous plaindre. Nous nous comparerons à eux, sûrs de trouver dans cette comparaison de robustes raisons de confiance. Il me semble que nous avons ici, outre des récits palpitans, de belles leçons d’histoire nationale.
C’est à Paris en juillet 1870. M. Charles Aubert, ou, comme on dit habituellement, M. Aubert-Hix[1], attend les vacances avec quelque impatience. La fin de l’année scolaire est laborieuse, comme toujours, dans cette rhétorique du lycée Louis-le-Grand où il tient sous son impérieuse, et quelque peu capricieuse autorité, une de ces énormes classes de quatre-vingts élèves, comme on en voyait alors, — la fleur de la jeunesse scolaire de Paris, la pépinière de l’Ecole normale et du Concours général[2]. Professeurs et élèves se préparent au repos bien gagné. Il ne reste plus à passer que quelques classes, quelques journées de concours, puis la corvée des distributions de prix. L’été est chaud, sec, fatigant, avec vent, poussière, une sorte de sirocco.
Aubert est seul à Paris. Sa famille, fille, gendre, petits-enfans, l’a devancé aux Sables-d’Olonne. Il s’inquiète de savoir s’ils n’ont pas eu trop chaud en route ; il ne pense qu’à les rejoindre : quel plaisir il se promet « de ce coin pacifique, où on vit à son aise, entre soi, et tranquillement ! » — En attendant, il finit sa besogne. Ces derniers jours ne sont pas sans importance : les succès de l’année vont se décider. On a déjà composé en version grecque, et puis en discours latin (le jeudi 14). « Le sujet était banal : Metellus demandant au Sénat romain de respecter la vie de Jugurtha vaincu. Un pareil discours n’aurait jamais été prononcé, ni au Sénat, ni par Metellus, ni à propos de Jugurtha. Enfin !… on ne s’avise pas de tout. » — Ainsi sourit M. Aubert. Le concours du 19 juillet excite fort son attente. C’est le discours français ! « J’ai de bons élèves, capables de réussir, » dit le maître ; — et il désire le succès[3].
- ↑ Il était veuf de Mlle Hix, dont le père fut directeur d’une grande institution d’enseignement secondaire, fameuse au début du xix6 siècle, et où Villemain avait fait ses débuts de professeur.
- ↑ Tous les succès de concours et d’examens se disputaient alors entre Louis-le-Grand et Bonaparte.
- ↑ Il l’obtint. Le prix d’honneur revint à Raphaël-Georges Lévy, aujourd’hui membre de l’Institut, le second prix de Paul Bourget, aujourd’hui membre de l’Académie française.