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mais c’était un dimanche, il n’y avait pas d’élèves. Il y avait, hélas ! l’instituteur qui fut tué. L’institutrice de Paissy (Aisne) fait classe dans une grotte ; elle est surprise par un bombardement, elle groupe les enfans dans la partie de la grotte la moins exposée, les maintient en ordre pendant plus d’une heure, et les abrite de sa personne contre les nombreux éclats en retour arrivant de la grotte et frappant les bancs des écoliers. Ce sont les termes d’une citation bien méritée que nous reproduisons ici.

Les établissemens d’enseignement secondaire ont été fermés dans sept villes seulement, en deçà de la ligne du front : Arras, Soissons, Saint-Dié, Pont-à-Mousson, Sainte-Menehould, Verdun, Reims. Partout ailleurs, on a vécu, — dangereusement. Il semble que ce soit donner une victoire à l’ennemi que de céder et de fermer. « Je ne quitterai mon lycée que s’il menaçait de me tomber sur la tête, » dit un proviseur. Et une directrice : « Je resterai à mon poste jusqu’à ce qu’on m’oblige à le quitter. » Ce qui est aussi admirable que cette ténacité des chefs d’établissement et des professeurs, c’est la confiance des familles, c’est aussi l’héroïsme inconscient et la bonne humeur des enfans. Le courage professionnel ainsi pratiqué se rapproche du courage militaire, et ne continue d’en différer que parce que les jeunes filles en ont leur part. Des professeurs des deux sexes traversent chaque jour, en effet, des zones dangereuses, pour aller faire leur classe. Les élèves, un jour de bombardement particulièrement intense, peuvent manquer le lycée, mais pas les maîtres, bien sûr, ni les maîtresses. On prend quelques précautions, on change les heures de classe, que l’on fait très matinales ; on raccourcit les récréations, mais rien d’essentiel n’est sacrifié. Béthune a deux collèges : collège de garçons et collège de jeunes filles. Mais ils sont fondus en un, au collège de garçons. Depuis dix-huit mois, Béthune a subi 58 bombardemens, a reçu 2 800 obus ou bombes. Le collège même a été endommagé. Ce qui frappe l’inspecteur venu de Paris, qui entre dans la maison (car on continue d’inspecter, ne serait-ce que pour aller porter des témoignages d’admiration et de sympathie), c’est combien la vie se déroule simplement, normalement ; le danger, si voisin, ne trouble ni les élèves ni les maîtres. Les élèves ont été instruits de ce qu’ils doivent faire en cas d’alerte. Chacun a sa lampe électrique, qu’il prend au premier signal, et