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à ses commissaires de ne « laisser aucune place vacante de l’armée, » et, en vertu de leurs instructions, ils étaient « obligés » de nommer aux emplois sans titulaire. La Chambre des Députés de 1916, au contraire, prescrivait aux siens de ne point ni jamais « intervenir dans les ordres relatifs aux opérations militaires. » Et il y aurait de quoi faire d’autres distinctions encore, dont la principale est celle-ci. La Convention était la Convention, et la Chambre des Députés ne l’est point. La Convention était une assemblée unique : la Chambre des Députés n’est qu’une des parties d’un Parlement qui se compose de deux assemblées, dotées toutes deux, à quelques prérogatives près, seulement en matière budgétaire, de pouvoirs identiques et égaux : qu’adviendrait-il si le Sénat, jaloux de la Chambre, instituait et organisait, à son tour, une délégation directe chargée d’une mission de contrôle permanente et générale aux armées de la République ? Et puis enfin, au temps de la Convention, on était en période révolutionnaire : Dieu merci, nous n’y sommes pas. Il nous suffit qu’il y ait un Comité de salut public, qu’il y en ait un seul, et que ce soit le Gouvernement.

Nous reconnaissons franchement le bien fondé de ces observations. Mais nous savons en revanche par combien de points les situations, si différentes qu’on les juge, qu’elles semblent, qu’elles doivent et qu’elles veuillent être, se rapprochent; nous savons avec quelle facilité les pensées et les volontés se déforment, à l’aller des jours et à l’user des choses, dans le jeu des institutions politiques. Nous n’en donnerons qu’un exemple. On a vu que la mission de contrôle des délégués s’exercerait « sur l’ensemble des moyens mis à la disposition des armées, notamment état et utilisation des effectifs, fonctionnement des services, armemens... etc.; » ils en feraient, chaque quinzaine, rapport à la Chambre. Or, sur quoi, dans le détail, portaient les « comptes décadaires » rendus par le ministre de la Guerre au Comité de salut public, et sur quoi, en conséquence, la Convention pouvait-elle être conduite à faire porter son contrôle ? Retournez de quelques pages en arrière et comparez : « L’état où se trouve chaque armée. — Si elle est suffisamment munie. — Ce qui a été fait en général pour y pourvoir. — La communication des abus qui ont été découverts ou réprimés. — L’état où se trouve la nouvelle formation de cavalerie, la quantité d’armes qu’ont donnée les ateliers pendant la décade. — L’aperçu de l’état des caisses de la guerre, les découvertes qu’ont produites la surveillance et la correspondance des commissaires généraux et ordonnateurs. — Les différentes phases de l’esprit public dans les armées, les bonnes ou mauvaises mœurs qui