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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/769

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ressources lui manquaient, il savait s’en procurer en faisant appel au public. C’est ainsi qu’avec le produit d’une souscription ouverte par le Journal des Débats, il put commencer le travail qui a dégagé en partie le Grand Sphinx de Gizeh du monceau de sable d’où émergeait sa tête mutilée. C’est ainsi encore qu’à partir de 1884, il entreprenait de rendre au jour le célèbre temple de Louxor, enfoui sous la butte où s’élève le village du même nom. Il s’agissait de faire revivre un des souvenirs magnifiques de l’antique « Thèbes aux cent portes, » de la ville des Thoutmès, des Aménothès, des Séti et des Ramsès. Grâce à lui, l’œuvre immense d’Aménothès III, le Memnon des Grecs, et de Ramsès II, leur Sésostris, fut, en partie au moins, rendue à l’admiration des visiteurs modernes. D’autres ont continué ce qu’il avait commencé ; mais il est juste que la meilleure part d’une reconnaissance bien méritée remonte à lui.

Ce fut à peu de distance de là, sur l’autre rive du Nil, qu’il fit, en 1881, une de ses plus retentissantes trouvailles, celle des momies royales, actuellement exposées au musée du Caire. Celle-là fut vraiment due à son génie de chercheur. Depuis plusieurs années, avant même de venir en Égypte, son attention clairvoyante, à laquelle rien n’échappait, avait relevé certains indices qui lui donnaient lieu de soupçonner qu’une cachette importante devait se trouver dans cette région. Dès qu’il en eut le moyen, il entreprit une enquête en règle. Il la conduisit avec autant de fermeté que d’adresse. Pressé de questions et réduit aux aveux, un homme du pays dut enfin révéler l’existence d’un puits ignoré, près du sanctuaire de Déir-el-Bahari. Maspero le fit fouiller. On sait comment il en exhuma bientôt onze momies royales des XVIIIe, XIXe et XXe dynasties, ainsi que celles de reines et princesses du même temps, sans compter les restes d’un important mobilier funéraire. Cette découverte sensationnelle fit en son temps grand bruit dans le monde. Arrachés à la nuit de ce souterrain, où ils gisaient abandonnés, les vieux rois d’Ouasit revinrent à la lumière du jour en plein XIXe siècle, et ils trouvèrent, dans une vitrine de musée, le genre de popularité auquel, assurément, ils s’étaient le moins attendus.

Ces travaux assidus et les effets du climat de l’Égypte n’avaient pas été sans exercer une fâcheuse influence sur la santé de Maspero.