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commerce les plus incontestablement pacifiques. On ne saurait, sans injustice criante, refuser à l’innocent sous-marin allemand le privilège que l’on accorde aux bâtimens des Alliés. C’est entendu. Malheureusement encore, rien ne ressemble plus à un canon d’attaque qu’un « canon de défense : » « Qu’à cela ne tienne, s’écrient les pro-germains, le Deutschland n’a que des cartouches à blanc. Il ne veut faire que des signaux sonores, des signaux d’alarme, en cas de péril imminent. » Soit ! mais, — à supposer qu’il n’ait pas réussi à dissimuler des cartouches à obus dans un double fond, — le cargo qui lui remettra ses tubes lance-torpilles lui fournira sans la moindre difficulté les munitions nécessaires à ses canons.

Or, remarquons-le parce que ceci touche au fond même de la question, placées à bord d’un navire de plongée, essentiel engin de surprise, qui peut émerger brusquement à quelques mètres d’un paquebot pris de court, ces pièces légères sont beaucoup plus dangereuses et ont un caractère beaucoup plus offensif que si elles arment un navire de surface. Celui-ci, en effet, on le voit venir de loin et l’on peut prendre à loisir ses précautions contre une attaque éventuelle. Et rien ne montre mieux quelle erreur commettent, de bonne foi sans doute, ceux qui consentent à assimiler le Deutschland à un navire de commerce ordinaire.

Mais je vais plus loin, et j’affirme que ce sous-marin, fût-il absolument dépourvu d’armes, pourrait encore avoir ce « caractère offensif » qui est la marque certaine de l’instrument militaire. Il suffirait pour cela que le constructeur l’eût doté d’une étrave renforcée, appuyée à l’arrière sur un « compartiment de choc » très cloisonné.

Ce submersible qui émerge brusquement, comme je le disais tout à l’heure, à quelques mètres d’un paquebot, qui l’empêche donc d’arriver au contact de cette carène mince et de la déchirer ou de l’enfoncer au-dessous de la flottaison ? Oh ! ce sera une collision bien accidentelle, certainement, et due à une fausse manœuvre, à une erreur d’appréciation, au caprice d’une machine qui s’est refusée à battre en arrière en temps opportun. En attendant, le malheureux cargo coulera à pic, entraînant avec lui les objets confectionnés, les matières, les munitions, les appareils particulièrement précieux pour les Alliés qu’il portait dans sa cale et qui l’ont recommandé à