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l’attention du commandant du Deutschland, quand celui-ci séjournait dans les ports américains.

J’y insiste encore et je demande que l’on veuille bien ne pas perdre de vue ce point capital dans toutes les discussions relatives à l’application aux sous-marins des règles du droit international maritime : de par ses facultés mêmes, un navire de plongée est toujours, « en soi » et forcément, un engin offensif, qui peut être immédiatement utilisé comme navire de guerre. Il doit donc être considéré comme tel.


Affirmerai-je maintenant avec une égale assurance que le Deutschland fera effectivement œuvre de belligérant ? évidemment non. Le pourra-t-il, d’ailleurs, traqué comme il va l’être, ne pouvant plus bénéficier pour son trajet de retour du secret qui avait été soigneusement gardé sur le moment de son départ et sur le point d’origine de sa traversée d’aller ? Et puis il faudrait encore qu’il tombât exactement sur un navire isolé appartenant aux Alliés et qu’il valût la peine de détruire, au risque de se compromettre soi-même. On ne peut demander de faire une croisière régulière, fût-ce seulement de quelques heures, à un sous-marin qui traverse l’Atlantique et qui n’aura jamais trop de combustible dans ses caisses.

Mais alors, quel est le but du voyage du grand submersible ? Croirons-nous, vraiment, qu’il est venu faire du commerce à Baltimore ? Faire du commerce, dans le sens utilitaire que l’on donne d’ordinaire à ce terme, évidemment non encore. On a prouvé sans contestation possible, — et ce n’était pas difficile ! — que le rendement économique d’un sous-marin serait, dans les conditions actuelles d’établissement et de fonctionnement de ce genre de véhicule, tout simplement déplorable. Mais s’il ne peut être question de véritables transactions commerciales impliquant le transport de marchandises de toutes catégories, il est parfaitement admissible que le gouvernement allemand, — qui est certainement en rapports étroits avec la Compagnie du construction de Brème, — ait chargé le Deutschland de rapporter, en échange de ses substances tinctoriales et peut-être de ses titres financiers, des matières relativement précieuses, en tout cas indispensables à ses industries de guerre et qui commencent à lui faire défaut. On a parlé, à ce sujet, de nickel et