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les interventions se multiplient en faveur de ses œuvres et de nos prisonniers et, ce printemps encore, les premières tulipes ont été offertes à nos blessés. Le professeur Salverda de Grave groupe en un comité « Hollande-France » les artistes, les savans et les écrivains les plus qualifiés pour raviver l’action de nos échanges intellectuels.

Nous pouvons, nous devons comprendre toute la sincérité qui vient à nous. Elle n’est jamais plus saisissante qu’à ces heures de véritable émotion populaire qui saluent les bonnes nouvelles de France : quand les bulletins des victoires de Champagne sont affichées à Amsterdam, la foule s’amasse, acclame ; les passans répètent, font courir les glorieux détails ; les conducteurs de tramways les annoncent à chaque voyageur. Dans la rue, ce jour-là, il n’y a plus de scrupule neutral. Il n’y en a guère non plus à ces cinémas, où, — en dépit de la projection impérative : « toute manifestation est interdite, » — chacun de nos films de guerre provoque de vigoureux applaudissemens, « Navarre très bon... Navarre très bon, » s’évertue à crier un de mes voisins quand parait l’image de notre aviateur ; « très bon, très bon, » répètent tous les autres avec enthousiasme.

Il y a quelques mois, un de nos pilotes, que les hasards d’une panne ont fait interner aux Pays-Bas, annonce à La Haye une conférence sur la Bretagne pittoresque. Une ovation l’accueille, qu’il est difficile d’attribuer exclusivement aux sympathies armoricaines du public : la salle entière, suivant le mot d’un membre du Gouvernement, salue l’uniforme de son hôte... Salut plus émouvant encore quand les soldats, les paysans des frontières l’adressent à nos évadés d’Allemagne dont, avec une délicatesse qui n’a jamais fléchi, ils réconfortent les premiers pas en terre libre. Car c’est bien au sacrifice de nos hommes jonchant notre sol pour sauver le droit des peuples que, par-dessus la convention des attitudes, va l’élan des Hollandais. J’ai constaté que nulle présentation ne vaut pour eux ces mots : « J’étais à la Marne, à Notre-Dame de Lorette. » Que diront-ils à ceux de Verdun ?

Nous attendons, sans hâte et sans défiance. Nous ne réclamons de nos amis des Pays-Bas qu’un jugement informé et un libre témoignage : nous leur livrons nos actes, simplement et en silence.


MAURICE GANDOLPHE.