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militaires étaient noirs comme des ramoneurs, à cause de la fumée des fourneaux alimentés de cette façon.

Le manque de tabac causait une grande privation ; le tabac arabe fit défaut, dès les premiers jours d’avril ; les assiégés fumèrent alors des feuilles de thé rôties ou des feuilles de tilleul. Au mois de janvier, le tabac anglais coûtait 48 roupies la demi-livre. Une boîte de cigarettes égyptiennes trouvées sur un officier mort atteignit aux enchères le prix de 400 roupies et une boite de lait conservé 34 roupies.

Les détachemens assiégés eurent peu de rapports entre eux, par suite du tir indirect des mitrailleuses et des fusils qui, en plus des obus, fouillaient, nuit et jour, tout le périmètre de la place.

Les troupes ne quittaient leurs abris que pour d’indispensables opérations de défense et, vers la fin, alors que le feu était pourtant moins vif, officiers et soldats étaient trop faibles pour faire des promenades inutiles.

L’artillerie turque tira sans répit jusqu’au 22 mars ; puis, ce jour-là, ayant lancé plusieurs milliers de gargousses, elle réserva ses munitions pour une canonnade quotidienne, entre quatre et six heures du soir, dirigée contre la ville et le fort, où le drapeau anglais et le poste d’observation offraient de bonnes cibles, ainsi que le quartier général adjacent.

Le 2 janvier, un premier aéroplane turc fit son apparition et, du 13 février au 22 mars, les bombes des aviateurs causèrent plus de dégâts que le bombardement de l’artillerie.

Le 18 mars, une bombe tombait sur l’hôpital, tuant six Anglais et en blessant vingt-six, dont quatorze grièvement.

Quatre bombes aériennes, lancées dans le voisinage du quartier général, tuaient de nombreuses femmes et enfans arabes, et coulaient une embarcation qui portait un canon de cinq pouces ; par la suite, ces bombardemens aériens furent moins intenses.

Les relations de la garnison prisonnière avec les Turcs ont été très paisibles ; les officiers turcs donnaient une poignée de cigarettes à chaque soldat anglais renvoyé de Kout au front anglais.

Les simples soldats des deux partis fraternisèrent et il ne semblait pas qu’il y eût lieu de craindre la tension pénible des rapports qui existe, ailleurs, entre Allemands et prisonniers