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de l’activité française. Il viendra d’un entraînement général, de ce besoin d’action, de cette joie unanime de produire et de créer, qui, au lendemain de la paix victorieuse, entraînera la nation entière.

Enfin, cette victoire même, à laquelle nous devrons tous ces changemens, il faudra nous en souvenir toujours. Nous devrons garder la mémoire toujours présente de l’agression, qui a failli nous rayer du nombre des peuples libres. Nous devrons penser sans cesse à tout ce qui nous a manqué, afin que cela surabonde. La préparation, la vigilance, le qui-vive perpétuel, tels seront les devoirs des générations qui viennent. Ce sera peut-être un peu sévère au début, mais on s’accoutume à tout, et l’on ne choisit pas son siècle, pas plus qu’on ne choisit sa race ou sa famille. Ce n’est point notre faute si nous sommes venus au monde à un tournant tragique de l’histoire, si nous ne faisons qu’entrer dans une longue période de transformation, qui va changer la face de la planète. Espérer que notre vie va reprendre demain l’ornière abandonnée, l’allure paisible de ses vieilles habitudes, est une illusion enfantine. Que la pensée contraire ne nous quitte jamais ! La supériorité momentanée de nos ennemis sur nous fut d’avoir un programme précis et positif, développé avec une volonté lucide et persévérante. Or, à ce programme si net, nous ne pouvons pas nous borner à opposer des mots immenses et vagues, des déclamations surannées. Il nous faut un programme bien défini, à nous comme à nos Alliés. Et nous ne parviendrons à le réaliser, les uns et les autres, que par la sécurité de nos frontières, l’association de nos richesses et de nos efforts, l’union permanente et progressive de nos forces militaires, économiques, financières, intellectuelles, — par l’Alliance latine d’abord, par le Bloc occidental ensuite. Encore une fois, ce n’est pas là une affaire de sentiment. Nous n’avons pas le temps de nous interroger, de nous demander si nous serons dupes, oui ou non, si nos caractères concordent, si cela répond à notre idéal. C’est, pour nous tous, une question de vie ou de mort. Il faut donc que cela soit.


LOUIS BERTRAND.