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Le bombardement ininterrompu, l’incendie dans le voisinage du dépôt de grenades, les assauts quotidiens, le manque de vivres, le manque d’eau, le manque de sommeil, l’odeur des cadavres et celle des obus asphyxians, l’esprit rongé par la mort comme le corps par la vermine, ces hommes ont tout enduré. Et parce qu’il y a du soleil, le capitaine sent une chanson lui venir aux lèvres :

Vous êtes gai, mon capitaine.

Évidemment. D’ailleurs, quand le parti est pris !

Tout est là. Un soldat qui passe jette dans un rire :

Ils ne sont pas vernis pour R1, les Boches !

Oui, tout est là : tenir à son poste et ne pas tenir à soi.

La 6e compagnie du 101e est relevée le 5 juin au soir par une compagnie du 298e, qui résistera trois jours encore, dans des conditions de plus en plus précaires, mais qui sera débordée dans la nuit du 8 au 9. L’ennemi a pu progresser sur la droite. La chute du fort, le 7 juin au petit matin, lui a donné un point d’appui.

Mais R1, pendant tout le siège du fort, du 2 au 7 juin, a flotté comme une barque victorieuse des vagues au flanc du grand navire.


IV. — L’ÉTREINTE SE RESSERRE À L’EST (2 juin)

Le 2 juin, à 6 heures du malin, le colonel Tahon, commandant le 142e régiment, prend le commandement du secteur qui s’étend du fort de Vaux au fond de Dicourt au Sud-Est.

Le plateau qui porte le fort s’infléchit immédiatement à l’Est sur le fond de la Horgne. Le village de Damloup est bâti au bord de la Woëvre, au point de chute d’un promontoire qui sépare le ravin de la Horgne et le fond de la Gayette. Ce fond de la Gayette s’appuie à la hauteur boisée de la Laufée, laquelle est battue par le fond de Dicourt. Il n’est pas inutile de rappeler une fois encore cette configuration des lieux.

J’ai vu le colonel Tahon, un dimanche de juillet, au nouveau poste de commandement qu’il occupait alors dans l’Argonne. Ce poste se cachait dans un nid de verdure. L’air était embrasé, l’ombre même était chaude. Entre les branches, des insectes