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d’exiger que vous vous soumettiez à ce qu’il a cru bon de faire pour la Roumélie. »

Sous l’impression de cette douche, le parti d’action se calma, au moins en apparence, mais il n’était pas résigné au sort qui lui était fait ; il rongeait son frein et, cinq ans plus tard, à bout de patience, il le brisa.

Dans la Bulgarie proprement dite, les événemens suivaient leur cours, conformément au programme du traité de Berlin. Il était dit, dans ce traité, que le prince de Bulgarie serait élu librement par la population, après qu’une assemblée de notables, convoquée à Tirnovo, aurait élaboré le statut organique de la principauté, autrement dit : sa constitution. Cette assemblée s’était réunie le 22 février ; elle avait voté à l’unanimité le projet de constitution présenté par le « Tsar libérateur ; » le procès-verbal de la séance avait été signé par les agens étrangers, à l’exception du consul ottoman qui s’était retranché dans un refus silencieux.

Cette constitution pouvait se résumer comme suit : elle édictait la formation d’une assemblée unique, élue pour cinq ans au suffrage universel, les électeurs devant avoir vingt et un ans et les éligibles trente ; elle établissait la responsabilité ministérielle, l’inviolabilité parlementaire, la publicité des séances, le droit d’initiative et le vote du budget. C’était, on le voit, une constitution ultra-moderne, démocratique au plus haut degré, difficilement applicable, semblait-il, dans un pays où les populations rurales longtemps asservies étaient étrangères à toute vie politique et où les citoyens allaient user pour la première fois du droit électoral qui leur était conféré. Ne pouvait-on craindre qu’elle suscitât des conflits, favorisât les intrigues des ambitieux et créât l’anarchie dans l’Etat ? C’est ce qu’appréhendait le délégué russe, Dondoukoff. Il écrivait : « Je me crois maître de la situation, mais je ne le suis pas de l’avenir. »

Quelques jours plus tard et conformément à la décision prise par l’assemblée des notables, des élections avaient lieu pour former la grande Assemblée nationale qui devait élire le prince de Bulgarie. L’attrait d’une couronne avait suscité déjà plusieurs candidatures, et la liste où elles figuraient s’allongeait de jour en jour. A la veille du vote, elle ne comprenait pas moins de sept noms, encore que le Tsar eût déclaré qu’il n’y permettrait pas l’inscription d’un membre de sa famille directe