Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/585

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et que les grandes Puissances, en ce qui les concernait, eussent fait une déclaration identique. Mais entre ces noms, il n’en était que deux sur qui parussent devoir se porter les suffrages : celui du prince Waldemar, fils du roi de Danemark et frère du roi de Grèce, et celui du prince Alexandre de Battenberg, d’une branche collatérale de la maison régnante de Hesse-Darmstadt. On sait que le frère aîné de ce prince s’allia plus tard à la famille royale d’Angleterre par son mariage avec la princesse Béatrix, fille de la reine Victoria. Le candidat au trône de Bulgarie était lui-même neveu par alliance de l’impératrice de Russie. Aucun de ces éligibles n’avait été consulté et n’avait donné son agrément ; mais tout portait à croire que celui qui serait élu ne refuserait pas la couronne. Néanmoins, et quoique leurs chances parussent égales, l’avantage, à y regarder de près, restait à Alexandre de Battenberg. Outre qu’il était ouvertement patronné par le Cabinet de Saint-Pétersbourg, il bénéficierait probablement du doute qui régnait quant à l’acceptation du rival qui lui était opposé. On craignait en effet que le roi de Danemark ne consentît pas à laisser son fils monter sur un trône où il serait le vassal de la Turquie, et l’on prévoyait que le prince Alexandre réunirait la majorité des suffrages.


II

Le 25 avril 1879, l’ambassadeur de Russie à Berlin offrait un bal au monde de la Cour et à l’élite sociale de la capitale. Parmi les invités, on distinguait un jeune homme de haute taille et de tournure aristocratique, revêtu de l’uniforme des gardes du corps et qui eût attiré l’attention, celle des femmes surtout, par l’impressionnante beauté de son visage et l’expression charmante de son regard, si le nom qu’il portait ne la lui eût assurée et si, ce soir-là, il n’y avait eu des raisons pour qu’elle se fixât sur lui avec une persistance particulière. C’était Alexandre de Battenberg. Il avait appris dans la journée, en même temps que la nouvelle s’en répandait dans Berlin, que la grande Assemblée, réunie à Tirnovo, l’avait élu, à l’unanimité et par acclamation, prince de Bulgarie.

Quoiqu’il atteignit à peine sa vingt-deuxième année, il pouvait déjà s’enorgueillir d’un brillant passé militaire. Officier dans l’armée allemande, la guerre russo-turque l’avait trouvé