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l’on a pu installer une mitrailleuse pour battre le fossé Sud.

Nombreux réfugiés et blessés, a signalé le commandant Raynal. C’est un danger presque égal à celui de l’extérieur. Le spectacle des mourans risque de démoraliser la garnison. Les ordres se transmettent plus lentement dans les couloirs encombrés. Enfin, s’il y a assez de viande de conserve et de biscuits pour tous, l’eau va manquer.


VIII. — LE FORT APPELLE

Roland dit : « Je sonnerai de l’olifant, et Charles, qui passe aux défilés, l’entendra. Je vous assure que les Francs rebrousseront chemin... »

Roland a mis l’olifant à sa bouche, Il l’applique bien et sonne de toute sa force. Les montagnes sont hautes et le son se prolonge. On en entendit l’écho à trente grandes lieues. Charles et tous ses compagnons l’entendent. Le Roi dit : « Nos gens ont bataillé... »

... Le comte Roland, à grand’peine, à grand effort et avec une grande douleur, sonne à son olifant. Le sang clair jaillit de sa bouche. Près de son front, sa tempe est rompue. Mais le son de son cor porte si loin ! Charles l’entend qui passe aux défilés ; Naimes l’entend... Et le Roi dit : « J’entends le cor de Roland. Il ne sonnerait pas s’il n’y avait bataille. »

... Le comte Roland a la bouche sanglante. Auprès de son front, les tempes sont rompues. Avec douleur et peine, il sonne l’olifant. Charles et ses Français l’entendent. Et le Roi dit : « Ce cor a longue haleine ! » Le duc Naimes répond : « C’est Roland qui est en peine. »


Les appels de l’olifant qui firent trembler les Pyrénées, il y a plus de dix siècles, sont-ils plus émouvans que les appels silencieux du fort de Vaux qui, par-dessus les ligues ennemies, communiquent au commandement les détails de son agonie et sa résolution de tenir ?

Le 3 juin au matin, un pigeon au vol rapide arrive au colombier. En vain cherche-t-on sous son aile la dépêche dont il doit être porteur. Mal attachée, elle est tombée en route. L’oiseau a été lâché pour rien. Combien reste-t-il au fort de ses compagnons ?

Le 4, vers midi, le colombier reçoit un pauvre pigeon blessé qui se traîne péniblement jusqu’au gîte. On le prend, on le caresse, vite on soulève ses plumes. Celui-ci n’a pas fait un voyage inutile. Voici la dépêche qu’il apporte :