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garnissent des mitrailleuses. Tout le plateau et ses pentes sont battus au point que la terre est pareille à de la cendre.

Dans la matinée du 6 juin, nous avons pu croire un instant que nous tenions à nouveau le fort tout entier et que la garnison était délivrée. Une attaque avait été montée qui devait se déclencher à deux heures. A quatre heures, un pionnier allemand du 27e régiment est amené tout effaré, les vêtemens en lambeaux, au poste de commandement de la division. Il a été trouvé dans nos lignes, sans armes, hagard et courant. Interrogé, il déclare s’être échappé du fort de Vaux lorsque les Français l’ont entouré.

L’attaque devait aborder le fort par ses trois faces : sur la face Ouest, une compagnie du 238e ; sur la gorge, une autre compagnie du même régiment et une section du génie, sous les ordres du commandant Mathieu ; enfin sur la face Est, deux compagnies du 321e sous les ordres du commandant Favre. Le signal devait être donné à deux heures du matin par un bouquet de fusées.

A droite, les deux compagnies du 321e, vigoureusement entraînées par leur chef, atteignirent en deux vagues le fossé de contrescarpe où elles furent accueillies par un barrage de grenades et de mitrailleuses. Décimés par le tir de ces mitrailleuses couronnant le parapet d’escarpe, les premiers grenadiers refluent. A leur tour, les deux vagues successivement déferlent. Mais ceux qui les conduisent sont presque immédiatement et presque tous atteints : le commandant Favre, tué d’une balle à la tête, le lieutenant Ray, le sous-lieutenant Rives gravement blessés, le sous-lieutenant Bellot blessé, mais ramené, le sous-lieutenant Morel tué, le sous-lieutenant Billaud tué, le sous-lieutenant Desfougères blessé, le lieutenant Aymé blessé. Une telle nomenclature, quel éloge ensemble et quel martyrologe d’un corps d’officiers ! Privée de direction, une troupe hésite. Le capitaine adjudant-major Baume prend le commandement du bataillon, reforme les unités engagées, distribue les commandemens et se tient prêt à repousser une contre-attaque qui, devant l’attitude de ses hommes, n’ose pas sortir des tranchées. Les coureurs tiennent le régiment et la brigade au courant de la situation. Quels que soient les barrages, ils parcourent ce sol volcanique et les survivans remplacent les blessés ou les morts.

Plus à gauche, l’attaque du 238e sur la face Ouest et la