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(Deuxième partie retardée dans sa transmission et amputée par la censure.)


Quartier général des troupes d’assaut, Nord-Est de Vaux.
7 juin.

« Cinq jours et cinq nuits le terrible combat a fait rage sans interruption à l’intérieur du fort de Vaux, jusqu’au moment où les restes de l’intrépide garnison, privés de leurs derniers moyens de résistance, se sont rendus au vainqueur.

« J’ai déjà écrit tout au long les combats des 2 et 3 juin ; ils continuèrent les jours suivans avec une ténacité et un acharnement sans exemple. La situation était telle que, dans le fort, s’était formé, pour ainsi dire, un deuxième fort que les Français, au mépris de leur vie, défendirent jusqu’au bout.

« Après avoir fait sauter la lourde porte ouvrant sur le couloir qui conduisait du poste d’observation Ouest à la caserne de la gorge, les Allemands avancèrent pas à pas dans le couloir. Il était très sombre, large seulement de 90 centimètres, sur un mètre et demi de hauteur ; les Français avaient dressé une barricade en sacs de terre sur deux mètres de profondeur, et installé derrière elle une mitrailleuse. Il fallut encore faire sauter la barricade, pour tomber sur une autre quelques mètres plus loin. Ainsi les Français furent repoussés pas à pas sur une longueur de 25 mètres.

« Près de la gorge, la cour de la caserne avait jadis formé une plate-forme de béton, épaisse de cinq mètres environ au-dessus des couloirs et des magasins souterrains ; mais ce n’était plus qu’un vaste cratère bouleversé. Les obus lourds, dans ce cratère même, creusèrent encore une sorte d’entonnoir, au fond duquel, crevant la dernière voûte, une étroite ouverture pouvait donner accès vers l’intérieur de l’ouvrage. Les Français, jusqu’alors complètement protégés par en haut et complètement enfermés, furent en grand danger soudain d’être enfumés par cette ouverture. Mais le bombardement dont le fort était écrasé rendait pour nous l’observation presque impossible. Les Français furent les premiers à remarquer, de l’intérieur, que l’explosion avait défoncé complètement un plafond ; ils occupèrent à l’instant le bord de l’entonnoir, le garnirent de sacs de terre, y installèrent une mitrailleuse ; ils commandaient ainsi