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plus encore d’éducation, entré par surprise dans la vie publique, il devait à son contact avec les milieux d’affaires le développement de sa valeur intellectuelle. Mais ce contact n’avait pas assoupli ses formes ni humanisé son caractère. Il était resté brutal, colère, spontané, tout de premier mouvement et si fortement familiarisé avec une existence d’aventures et avec les périls qu’elle comporte qu’il s’était accoutumé à les défier, convaincu que le plus sûr moyen de conjurer les mauvais desseins d’un ennemi, c’est de lui porter les premiers coups. C’est ainsi qu’il procédera vis-à-vis de Karavélof, dont il avait été politiquement l’élève.

En dépit de leurs relations passées, il le méprisait et se défiait de lui. C’est afin de le tenir solidement dans sa main, nous l’avons dit, qu’il l’avait admis dans le conseil de régence. Mais quand il le soupçonna de comploter contre l’Etat, il n’hésita pas à sévir. C’était au mois de mars 1887, bien peu de temps, on le voit, après son arrivée au pouvoir. Malgré ses efforts, il n’avait pu rétablir l’ordre dans la principauté ni faire régner l’union dans la régence. Ses collègues qu’il entendait dominer le jalousaient, lui résistaient et manœuvraient pour attirer sur lui l’impopularité qu’il travaillait à attirer sur eux. Un vent de révolte soufflait à travers l’armée, menaçait d’ébranler sa fidélité. Dans le peuple on souhaitait ouvertement une dictature militaire et si grosse de périls se révélait la situation que les régens, inquiets pour leur sécurité personnelle, se faisaient garder, chacun de son côlé, par des gendarmes.

Soudainement, des insurrections éclatent en même temps à Silistrie, à Lom-Palanka, à Roustchouk, à l’instigation d’officiers compromis dans le complot contre le prince Alexandre et dont quelques-uns, réfugiés en Roumanie et en Russie, étaient rentrés secrètement dans leur pays pour conspirer de nouveau. Elles furent rapidement étouffées, et la victoire resta partout à Stamboulof. Il n’était pas homme à n’en pas abuser. Sur les divers théâtres de l’insurrection, des sentences arrachées à la servilité de tribunaux terrorisés envoyèrent à la mort non seulement des révoltés, pris les armes à la main, mais des gens qui n’avaient encouru que des soupçons. Rien qu’à Silistrie, il y eut quinze condamnations capitales dont neuf furent exécutées. À Roustchouk, la justice dictatoriale ne fut pas moins rigoureuse et les coupables furent fusillés. Ce jour-là commencèrent