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équilibre propre, ne pourra plus servir à l’équilibre général. »

Les conférences de La Haye ont eu pour objet d’établir un mécanisme de paix durable entre les peuples. Mais ce mécanisme était sans force, sinon sans âme. Il fut impuissant à empêcher la guerre et n’a aucune efficacité pour rétablir et combiner la paix.

Une bonne Europe et une bonne paix seront le fruit d’une sage élaboration où ces divers précédens entreront pour leur part et qui, en s’inspirant, en outre, des conditions de la lutte déchaînée entre les peuples, créera un nouveau droit.

Une bonne paix, une bonne Europe dépendent d’une saine appréciation des conditions dans lesquelles l’Allemagne est accrochée au sein de l’Europe et, si j’ose dire, au sein de la paix. L’Allemagne doit être en Europe un élément de paix et non un élément de guerre. Il s’agit de constituer, autour d’elle et avec elle, une sorte de confédération européenne où chacun travaille à sa place et à son rang. A cela les hommes d’État doivent s’appliquer avec une grande hauteur de vues et une grande largeur de cœur ; ils doivent se mettre au-dessus des passions du moment, écarter l’esprit de vengeance, ne pas céder aux faiblesses et aux compromissions de partis, s’inspirer à la fois des sentimens des peuples et de la froide raison, tenir aux réalités et s’élever jusqu’à l’idéal.

La génération qui a fait la guerre est capable et digne de prendre les choses de ce biais, car son éducation est forte et son inspiration droite, si les artifices des mauvaises ambitions et l’entraînement des passions aveugles ne l’égarent pas.

M. Asquith, dans son discours du 11 avril 1916 aux parlementaires français s’exprime ainsi, parlant au nom des Puissances alliées : « Comme résultat de cette guerre, nous entendons instaurer en principe que les problèmes internationaux doivent être résolus au moyen de libres négociations, sur le pied de l’égalité entre les peuples libres, et que ce règlement ne sera jamais entravé ou influencé par les injonctions impérieuses d’un gouvernement qui est contrôlé par la caste militaire. Voilà ce que j’entends par destruction de la domination militaire de la Prusse, rien de plus, rien de moins. »

Cette formule est excellente, mais négative. Il faut la compléter par un principe positif, et ce principe ressort de la sage interprétation de l’histoire, de la pratique de la vie des peuples, de la morale courante et de la morale internationale