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fondées sur le passé et capables de garantir l’avenir. Nous ne voulons pas seulement la destruction du militarisme prussien : nous voulons, sur ses ruines, fonder une Europe nouvelle, une Europe rationnelle, — en un mot une Europe équilibrée. Il ne suffit pas de détruire, il faut construire.

Tel est donc le principe d’ordre permanent qui relève du plus haut idéal historique : une bonne paix par une bonne Europe.


Et voici, maintenant, les déductions résultant du fait même de la guerre telle qu’elle a été conçue et entreprise par l’Allemagne et ses Alliés ; car ce fait est lui-même générateur de faits et de conséquences dont il faut bien tenir compte.

Toute paix, pour être durable, est à la fois extérieure et intérieure au vaincu qui la signe : elle lui vient du dehors puisqu’elle lui est imposée ; elle se fait au dedans de lui puisqu’il doit finalement y adhérer. Ainsi se fonde le droit qui est le consentement des parties.

Examinons donc ces deux points de vue : quelle paix imposer à l’Allemagne et à ses Alliés ? A quelle paix finiront-ils par adhérer ?

Puisque la guerre a été voulue par les Empires germaniques, déclarée par eux, à leur heure, dans un esprit de conquête et de domination, la paix doit, pour être juste, assurer aux peuples, victimes de cette agression, trois choses : le châtiment des responsables, la réparation des pertes subies, des garanties pour l’avenir. La justice, la victoire et les traités assureront le châtiment, la réparation et les garanties. Les trois élémens doivent être combinés de telle sorte que le problème matériel et le problème moral posés par la guerre soient, dans la limite des moyens humains, résolus.

Pour obtenir ces résultats idéaux, la guerre doit, pour ainsi dire, se transmuer en paix, par l’atténuation dégressive de son principe qui est la force et par l’apparition progressive de sa raison, qui est le droit.

Au début, la paix doit rester guerre, si j’ose dire, et, à la fin, la guerre doit être devenue paix.

Il est bon de prévoir cette évolution des choses pour y aider et la faciliter. La paix sera d’abord la paix des soldats, elle deviendra ensuite la paix des diplomates, et elle apparaîtra finalement la paix des jurisconsultes ou des arbitres. L’histoire