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son devoir de soldat. Faute de pouvoir être employés par la marine, la plupart de ces hommes furent versés dans l’infanterie coloniale, où ils se conduisirent avec la plus grande bravoure. Certes, nous comprenons les regrets des vieux matelots, dont les bras nerveux ont dû lâcher l’aviron pour saisir le fusil du fantassin. Bien souvent, dans la nostalgie des tranchées, leur rêve se détourne vers l’Océan où des inscrits privilégiés naviguent, l’œil au bossoir, dans l’attente du sous-marin perfide. Il importe, cependant, qu’ils sachent se consoler de ne point porter le col bleu, en pensant qu’il n’y a pas deux façons de servir sa patrie et que le poste d’écoute sur le front vaut le gaillard d’avant d’un croiseur.

Bien que la mesure de rappel des pêcheurs ait été radicale, sauf pour les chalutiers à vapeur, les départemens de la Marine et de la Guerre, celui-ci en ce qui concerne les inscrits versés au recrutement, se montrèrent assez généreux dans la concession des sursis aux pêcheurs : les morutiers, les harenguiers, les sardiniers et les chalutiers en bénéficièrent tour à tour, aux époques convenables.

Néanmoins, on constate une diminution sensible dans les effectifs du personnel embarqué. On comptait 98 600 pêcheurs naviguant en 1913 ; ce nombre n’est plus que de 47 400 en 1915. Encore ne s’agit-il en grande majorité que de réformés ou de marins trop jeunes ou trop vieux pour porter les armes. Chez les pêcheurs à pied, parmi lesquels on rencontre beaucoup de demi-soldiers, la diminution est moins forte : leur nombre est passé de 61 000 à 39 000.

Les conséquences de cette raréfaction de la main-d’œuvre se traduisent par une réduction des armemens. En 1913, on comptait 28 296 bâtimens armés ; en 1915, il n’en reste plus que 15 000, c’est-à-dire presque la moitié moins. Au mois d’août 1916, leur nombre atteint 11 896, jaugeant ensemble 85 457 tonneaux. Mais on se montre inquiet, dans le monde des gens de mer, des décisions récentes des ministres de la Marine et de la Guerre qui tendent à supprimer les sursis, sauf pour les harenguiers, et l’on se demande comment la pêche reprendra en 1917.

D’une façon générale, le rendement des bateaux est, nous l’avons dit, supérieur à la moyenne. Toutefois, dans la Manche ou la mer du Nord, l’exercice de la pêche s’est trouvé fortement entravé par les consignes militaires qu’imposaient les nécessités