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Près de Gerbeviller, 24 août soir. — Soirée magnifique. Splendide coucher du soleil ; une brasserie brûle devant nous. Tout autour de nous, on entend le canon ; nous sommes paisiblement assis dans un champ, les fusils en faisceaux, et nous attendons l’appel pour savoir si, oui ou non, nous prendrons part à la bataille. Il semble que nous soyons au moment d’un grand succès. Nous fermons la souricière[1].


Et c’est sur eux que la souricière va se fermer.

L’ennemi s’avance toujours. Il allonge de plus en plus son flanc le long de la ligne des hauteurs organisées où le général de Castelnau a articulé le 15e corps d’armée avec la 64e division de réserve depuis Ferrières-Saffais jusque vers Haussonville, le 16e corps d’armée avec la 74e division de réserve sur Brémoncourt et Haigneville. S’il s’enfonce davantage, il se heurtera au 8e corps d’armée vers Essey-la-Côte et à une brigade du 16e corps qui fait jonction entre les 1re et 2e armées à Saint-Germain, point extrême de la trouée de Charmes. Et encore, avant d’atteindre les abords de la lisière Nord de la forêt de Charmes, l’armée bavaroise devra bousculer des forces mobiles françaises descendues presque sur la plaine et qui surveillent et défendent les passages de la Meurthe et de la Mortagne. Ces forces sont composées des trois divisions de cavalerie du général Conneau (2e, 6e, 10e divisions) dont l’action va enfin se faire sentir, en masquant à l’ennemi la présence, au fond du goulot, du 8e corps et de la brigade de liaison du 16e corps.

Vers 10 heures du matin, le corps de cavalerie est attaqué par des troupes allemandes de toutes armes remontant ou passant la Mortagne de Mont-sur-Meurthe à Gerbeviller. Il se défend énergiquement, s’accroche aux pentes d’où il descendait, et tient, jusqu’à 2 heures de l’après-midi, la crête de Moriviller et du bois de Jontois, entre Einvaux et Moriviller. Son artillerie donne vigoureusement et inflige des pertes très sérieuses à l’ennemi. Vers 2 h. 30 de l’après-midi, des forces allemandes évaluées à deux corps d’armée débouchent du bois de Franconville. Le général Conneau décide de se replier sur Borville, laissant à la Naguée le 2e bataillon de chasseurs. À 4 heures, tout le corps de cavalerie occupait les hauteurs de Borville. De là les batteries à cheval canonnent l’ennemi et l’empêchent d’aborder le plateau de la Naguée. Ainsi est maintenue la liaison

  1. Extrait des Briefe aus dem Felde.