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cherchait au dehors en appelant certaines Puissances à les défendre et à les « garantir. » Et c’est ainsi que la Constitution allemande s’articulait à la Constitution européenne.

Les deux Puissances qui avaient le plus contribué à refouler les ambitions de la Maison d’Autriche, l’une à l’Ouest de l’Allemagne et l’autre à l’Est, la France et la Suède, devenaient les « garantes » des libertés germaniques, c’est-à-dire, en somme, qu’elles prenaient en charge le maintien de la paix européenne par une sorte d’ingérence légitime et consacrée dans les affaires de l’Empire. Si, dans l’Empire, une famille régnante s’appuyant sur sa force propre visait à la domination sur l’Allemagne et à la domination universelle, alors, les souverainetés allemandes confédérées avec leurs Alliés, les Puissances garantes, se dressaient automatiquement pour faire face à ce danger : « Seront tenus tous les contractans (y compris la France et la Suède) de défendre et de maintenir toutes et chacune des dispositions dudit traité… Et s’il arrive qu’aucune de ces dispositions soit violée, l’offensé tâchera premièrement de détourner l’offensant (qui est supposé la maison impériale) de la voie de fait, soit en soumettant le fait à la composition amiable et à la voie de droit. — Mais si le différend n’a pas été réglé par aucun de ces moyens dans un espace de trois années, tous et chacun des contractans seront tenus de joindre leurs conseils et leurs forces à ceux de la partie lésée et de prendre les armes pour repousser l’injustice…[1]. » C’est ce qu’on appelait « les articles des garanties. » La France et la Suède collaboraient avec les États secondaires de l’Allemagne au bon équilibre des affaires européennes.


L’Allemagne formait dès lors, comme le dit Bryce, une fédération à la fois « une et multiple, » selon l’expression des théoriciens de la Confédération germanique. Agencée selon ce mécanisme ingénieux, elle était devenue plus rassurante pour l’Europe. Mais était-elle satisfaite elle-même ?

Il n’est pas possible d’affirmer que le nouveau régime ait contenté tout le monde. Cependant, il n’est pas douteux, non plus, que le caractère allemand s’en soit arrangé. Il ne souffrait pas de ce morcellement, résultat acquis et accepté du travail

  1. Voir, notamment, les articles 111-120 du traité de Munster, dans les Grands traités du règne de Louis XIV publiés par Henri Vast, Picard, 1893, t. Il, pp. 53-55.