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chrysalide pacifique où le commerce, l’industrie, la terre, ou le laboratoire vous tenait enfermés, avez jailli métamorphosés soudain en âpres guerriers. Nos chers camarades de l’active, cadre incomparable d’une fresque glorieuse, dont les âmes mûries déjà dans la noble servitude militaire étaient si admirablement préparés à recevoir l’empreinte fécondante des faits, sont d’ailleurs unanimes à confesser, eux aussi, que la vraie école de la guerre a été pour eux la guerre elle-même ; les leçons antérieures, tous les enseignemens des livres et des systèmes pèsent peu auprès de la grande et glorieuse leçon qui a commencé pour tous le 1er août 1914.

Lorsque les Allemands, après la bataille de la Marne, se sentirent réduits à la défensive et qu’ils se terrèrent pour garder le terrain momentanément conquis par eux derrière une longue ligne de tranchées, lorsqu’ils furent obligés, pour éviter de la voir tourner, de prolonger cette ligne, jusqu’à la mer d’une part, de l’autre jusqu’à la frontière suisse, ils nous imposèrent la guerre qui depuis n’a pas cessé sur notre front, et qui, autant qu’on peut le prévoir, ne s’achèvera qu’avec la campagne elle-même.

On a dit et écrit souvent que cette guerre de tranchées était une nouveauté et qu’on ne l’avait jamais vue que dans les sièges, mais non en rase campagne. Rien n’est plus faux pourtant, et il suffit pour s’en convaincre de considérer les toutes dernières guerres, et notamment la plus récente avant celle-ci, la guerre des Balkans, où l’on vit à Tchalaldja une ligne de tranchées, allant d’une mer à l’autre, arrêter net l’invasion du territoire turc par les Bulgares. Déjà au Transvaal, puis plus près de nous en Mandchourie, on pouvait apercevoir une évolution de la défensive en rase campagne dans ce sens.

Mais ce rôle fondamental de la fortification de campagne qu’on avait un peu négligé, chez nous, avait été, en vérité, mis en évidence depuis fort longtemps par les vieux maîtres du passé, notamment, par le beau génie militaire de notre Vauban. Celui-ci est généralement considéré comme un maître incontesté pour tout ce qui concerne l’attaque et la défense des places ; mais on ignore trop que ce grand bâtisseur de forteresses avait des vues non moins étonnantes sur la guerre en rase campagne et nous avons trouvé dans quelques-unes de ses œuvres inédites, signalées par le colonel de Hochas, quelques préceptes