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et l’emporter, tandis que les Boches nous bombardaient, fut vite fait, et vers minuit, sans trop d’ennuis, nous déposions dans notre petite chapelle notre nouvelle acquisition. Nous sommes aidés en tout par ces messieurs de l’état-major, qui apprécient beaucoup de telles œuvres et leur interprétation. Quant aux poilus qui peuvent, aux heures de repos, profiter de ces messes, ils rayonnent de joie. Nous-mêmes, vous le croirez sans peine, nous éprouvons une grande satisfaction à chanter de telles choses. Puissions-nous bientôt emplir de ces harmonies les temples lointains que la victoire nous rendra ! »

Du 7 novembre suivant :

« J’ai le très grand plaisir de vous annoncer que nous avons très glorieusement fêté l’anniversaire de la mort de nos braves, le jour de la Toussaint.

« A cet effet, nous avons pu monter la grande Messe des Morts d’Hector Berlioz. Vous savez combien nobles et pures sont ces pages et comme elles sont susceptibles d’aller droit à tous les cœurs.

« Nous avons eu la grande joie de la voir bien accueillie et religieusement écoutée. Tous, du plus grand au plus petit, furent émus. Et nous-mêmes, nous le fûmes beaucoup.

« Je vous envoie le programme dessiné à cette occasion par un de nos amis, architecte de talent. Le détail de la messe n’y figure pas : nous en avons chanté complètement le Requiem et le Kyrie, le Sanctus et l’Hosannah, plus l’Agnus Dei.

« Nous étions deux ténors, un baryton et une basse, un violoncelle, qui doublait les parties graves, et un harmonium, dont je vous ai déjà conté l’odyssée. »

En tout, six exécutans, pour la Messe des Morts de Berlioz, qui n’en exige pas moins de cent cinquante ou deux cents ! Voilà bien l’occasion de répéter, sans ironie cette fois, le mot célèbre de Rossini : « Excusez du peu ! » S’ils l’ont dit à Berlioz, les braves enfans, la grande ombre du maître français les aura non seulement excusés, mais remerciés et bénis.

Quelques traits encore, les derniers, d’un autre soldat musicien, de l’un de ceux qui sont « dans la musique. »

« Oh ! oui, c’est le plus beau des arts ! Quelles impressions d’idéal ne ressentons-nous pas, nous autres, en jouant simplement nos modestes fantaisies après les séjours aux tranchées sous le bombardement ! Quelle saine et utile distraction ! Tous