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imprévoyance dont on voudrait espérer que l’épreuve les aura guéris à jamais. Celle de l’Angleterre, bien que troublée par une crise récente, se montrait sous un jour nettement plus favorable. Elle bénéficiait, il est vrai, des remarquables progrès réalisés par le Royaume-Uni dans l’ordre de la prospérité économique, et dont témoigne ce fait frappant : depuis vingt-cinq ans, la population des Iles-Sœurs a augmenté d’un quart ; elle atteignait 46 millions d’habitans en 1914, soit 6 et demi de plus que la population française. Autre indice : au cours de la dernière décade, si les importations britanniques ont haussé de 43 pour 100, les exportations se sont accrues de 70 pour 100. Le revenu national annuel, objet d’évaluations fréquentes et savantes, était compté en 1887 aux environs de 1 300 millions sterling, en 1912 aux environs de 2 200 millions, soit une augmentation des deux tiers ; M. Lloyd George l’estimait, au début de la guerre, à 2 400 millions (60 milliards de francs), chiffre considérable qui représenterait le double du chiffre moyen autour duquel gravitaient les dernières évaluations du revenu annuel de notre pays. Là-dessus, la nation épargnait bon an mal an 300 à 400 millions sterling ; grâce à quoi elle avait pu se constituer au dehors, abroad, dans ce vague et vaste monde qui comprend tout ce qui n’est pas les Iles-Britanniques, un capital estimé à 4 milliards sterling (100 milliards de francs).

Voilà qui explique, si d’ailleurs on tient compte des fortes traditions financières en honneur chez nos Alliés, que le budget pût être relativement au large, l’impôt modéré, la dette supportable. Jusqu’en 1908, jusqu’à l’avènement du ministre radical qui devait faire subir aux finances anglaises une brusque évolution, le budget britannique était toujours resté inférieur (année normale) au budget français ; en 1907-1908, il ne dépassait guère 140 millions sterling (3 milliards et demi de francs), alors que chez nous il atteignait déjà 4 milliards. On sait qu’avec M. Lloyd George l’Angleterre dut se prêter à un fort accroissement de ses dépenses publiques, accompagné d’une grosse aggravation et d’une très audacieuse réforme de la taxation. Le parti libéral s’était fait dans le temps la réputation du parti de l’économie, en même temps que de la paix et des réformes, et voici que son successeur, le parti radical, se faisait le parti de la prodigalité. En peu d’années, la croissance