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des budgets fut si rapide que le dernier voté avant la guerre s’élevait à 207 millions sterling (5 175 millions de francs), à peu près égal au budget français de juillet 1914. Mais, même à budget égal, l’Angleterre n’en était pas moins alors en meilleure posture financière que la France. D’une part, elle avait su réduire, par des amortissemens appréciables, sa dette publique, dont le capital (736 millions en 1887, 796 en 1905, après la guerre sud-africaine) n’était plus, au 31 mars 1914, que de 706 millions sterling (17 650 millions de francs) ; l’intérêt annuel n’absorbait plus qu’à peine 17 millions sterling (425 millions de francs), au lieu d’un milliard environ chez nous. L’Angleterre, à budget égal, disposait donc d’une proportion plus grande de crédits utiles. D’autre part, la charge de ses impôts se trouvait plus légère, à raison de sa population et de sa richesse supérieures : Bien que, depuis vingt-cinq ans, le taux de l’impôt par tête d’habitant se fût accru de 60 pour 100, un juge de haute compétence n’évaluait, pour 1911, le taux de la taxation britannique, dans son ensemble, qu’à 12 un quart ou 12 trois quarts, pour 100 du revenu national[1], contre 16 à 16 et demi pour 100 en France. Grâce à la prospérité générale, à une progression plus rapide qu’ailleurs de la richesse publique, cet impôt se supportait aisément. Son produit était presque toujours en plus-value sur l’évaluation préalable. En 1887-1888, un penny d’income tax ne rapportait qu’un peu moins de 2 millions de livres ; en 1912, ce même penny rapportait 2 830 830 livres sterling. Sans insister davantage, on peut dire que, malgré les récentes surcharges, la situation de l’Angleterre était, à la veille de la guerre, budgétairement parlant, meilleure que celle d’aucun des autres pays belligérans.


II

Surprise plus que les autres Puissances par la guerre, l’Angleterre tint froidement le coup. Du premier jour, par

  1. M. Leroy-BCaulieu (voyez Science des Finances, 8e édition, I, 165 et 167 nous permettra-t-il de trouver soit cette proportion un peu forte, soit l’estimation du revenu national britannique en 1910-1911 à 41 ou 42 milliards de francs un peu faible ? M. Bernard Mailet (British budgets, Londres, 1913, p. 448) donne pour cette même proportion le chiffre de 10,90 pour 100 ; encore fait-il entrer en ligne de compte les recettes nettes des postes et télégraphes ainsi que du domaine privé de l’Etat. — Ce calcul est fondé sur le total des impôts d’État et des impôts locaux.