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si nous n’arrivons pas à nous entendre, mais un rapprochement raisonnable avec l’Allemagne qui est la seule bonne politique de l’Autriche de demain[1]. » Le projet de Mittel-Europa était lancé par le pangermanisme aux abois comme la procédure suprême de l’asservissement de l’Europe : l’Autriche ne veut pas jouer les guillotinés par persuasion. L’accord n’a pu s’établir même sur un projet d’union douanière, de Zollverein. En tentant cet accord et annonçant à grand bruit sa réalisation, le pangermanisme aura brûlé sa dernière cartouche.

L’Empire des Hohenzollern ayant achevé sa courte et fatale existence, la Prusse rentrera dans ses limites. En plus, elle sera mise hors d’état de nuire. C’est, selon le mot de Washington, une question de sécurité. Les ententes qui seront intervenues entre les Puissances alliées auront tracé d’avance, autour de la Prusse, un cercle de Popilius, nécessaire pour assurer le châtiment, l’indemnité et la garantie. C’est alors que se poseront, en particulier, les problèmes de l’occupation des territoires, des indemnités gagées sur les richesses du sol et de l’industrie, sur les domaines de l’État, et achevées par le désarmement sur terre et sur mer, — problèmes qu’il n’est pas dans mon intention d’aborder aujourd’hui, mais dont l’habile solution, fille de l’armistice, sera peut-être le nœud de toute la négociation.

La Prusse ainsi allégée reviendra, sans doute, à de plus sages dispositions ; elle reconnaîtra que l’ambition mondiale est une entreprise de l’ordre le plus aléatoire, que la caste féodale et agrarienne l’a maintenue de parti pris sur un stade de civilisation retardataire et grossier, qu’un peuple doit travailler à son propre bonheur par l’entente avec les autres peuples plutôt que de s’asservir aux ambitions désuètes de quelques familles dominantes. D’ailleurs, ce sont ses affaires ! Libre au peuple prussien de rester attaché aux destinées de ses maîtres et de cette famille « fatale » qui n’a vécu que pour troubler le monde, renier ceux qui l’avaient aidée, tout trahir, tout rabaisser, même le caractère de la nation allemande jadis si respecté, et porter ses ambitions insensées à l’assaut de l’univers.

Si, comme nous l’avons dit, les autres États allemands sont invités à prendre part aux négociations de l’armistice et de la paix, et s’ils acceptent, on peut trouver dans cette adhésion

  1. L’Union de l’Europe Centrale. Étude de Max Hoschiller. Revue de Paris, mars-avril 1916.