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d’un empire ? Mon dévouement est aussi profond pour vous, Monsieur, que mon admiration est sincère.

« CHATEAUBRIAND. »


L’avènement du ministère Polignac vint modifier ces projets, et l’on sait comment, le 28 août, Chateaubriand se démit de son ambassade. La lettre suivante est adressée de Paris, toujours à Carqueiranne.


Paris, 11 février 1830.

« Deux choses, Monsieur, me font grand plaisir dans votre lettre[1] : vous continuez vos grands et nobles travaux, et nous vous reverrons bientôt à Paris. Vous avez retouché vos anciens ouvrages ; c’est ce qui arrive à tous les hommes de votre mérite : la conscience n’est jamais séparée du vrai talent[2]. Sans doute, comme vous le dites, Monsieur, les études historiques ont fait des progrès ; mais ces progrès ont-ils toujours été dans un sens utile ? J’ai lu bien des choses rassemblées à la hâte, publiées avec la même précipitation et souvent dans un esprit de système que les faits mieux approfondis ne justifient pas.

« Je vais descendre moi-même dans cette périlleuse carrière. On met sous presse les deux volumes que je dois encore au public ; ils auront besoin de votre indulgence. Je me suis placé entre l’ancienne et la nouvelle école. Je voudrais, s’il était possible, les unir au lieu de les diviser : vous verrez, Monsieur, que je vous rends pleine justice.

« Si je puis quelque chose pour votre nomination à une place que vous ne devriez pas solliciter, mais qu’on devrait s’empresser de vous offrir, ne doutez pas de mon zèle. Ma nouvelle position ne me laisse pas beaucoup de crédit : je suppléerai à la faveur par le dévouement.

« Vous avez éprouvé, Monsieur, un malheur de famille[3]

  1. Je ne possède malheureusement pas celle-ci. Les brouillons des lettres d’Augustin Thierry dictés à ses secrétaires ou à sa femme et conservés dans ses papiers ne commencent qu’en 1831.
  2. Il s’agit ici de la troisième édition de l’Histoire de la conquête de l’Angleterre. L’auteur avait apporté de nombreux remaniemens et des additions importantes à son œuvre. L’avertissement est daté de Carqueiranne, 3 février.
  3. La mort de sa mère : Mme Jacques Thierry, née Catherine Le Roux, morte à Blois, le 10 octobre 1829.