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séjour à Aix, mais, comme les eaux lui font du bien, on lui a conseillé de les continuer jusqu’au milieu de septembre. Je compte employer le temps à voir le lac de Genève, le Montanvert et quelques parties de la Suisse. La Reine viendra m’y rejoindre et nous reprendrons ensemble le chemin de Malmaison. C’est après-demain que je commence ma tournée et que je partirai pour le Sécheron où j’ai fait retenir l’auberge que tu as occupée. J’espère m’arranger l’année prochaine de manière à être plus heureuse et à pouvoir aller passer quelques mois avec toi et avec Auguste. Je sais que, dans ce moment, tu as beaucoup d’occupation et de travail à reprendre ; mais, je t’en prie, mon cher Eugène, n’excède pas tes forces et ménage ta santé. N’oublie pas que tu es l’espérance de ta famille et le seul bien de ta mère. Adieu, mon cher fils, je t’embrasse avec tendresse.

« JOSEPHINE. »


Il apparaissait à Eugène, comme à tous ceux qui portaient intérêt à l’Impératrice, qu’elle aurait tort de revenir à Paris et de risquer ainsi une sorte de rivalité avec la nouvelle épousée dont nul n’ignorait la jalousie. Eugène le lui avait écrit ; sur quoi elle s’était adressée directement à l’Empereur[1].


Au Sécheron, le 25 septembre (1810).

« Tu sais, mon cher Eugène, combien j’ai de confiance en toi. Tout ce que tu me mandes sur les inconvéniens de retourner en ce moment à Paris m’a extrêmement frappée. J’ai de suite retardé mon départ, mais ne voulant rien faire qui ne soit agréable à l’Empereur, je lui ai écrit pour lui demander franchement ce qu’il me conseillait de faire. Il a toujours été mon guide, j’espère qu’il voudra bien l’être encore. Je t’envoie copie de ma lettre ; c’est la Reine qui est chargée de la porter. Elle a passé ici quarante-huit heures et s’est mise en route hier matin pour Paris. Elle verra l’Empereur à son arrivée. Ainsi, j’espère qu’elle m’enverra sa réponse ou me fera connaître ses intentions. Tu as bien raison aussi relativement aux nouvelles

  1. Dans Joséphine répudiée (p. 198 et suiv.), je n’ai point fait état de la présente lettre que je ne connaissais point et qui explique les conseils que l’Empereur fit donner à Joséphine par Mme de Rémusat, laquelle était du voyage de Fontainebleau. Son initiative ne paraissait point alors très explicable : elle est justifiée par cette lettre de Joséphine, omise dans le recueil publié par la reine Hortense (Lettres de Napoléon à Joséphine. Didot, 2 vol. in-8o).