Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

journaux de province, et, à ceux-ci comme à ceux-là, il distribue leur rôle : un tel fera le matamore, et un tel le gracieux. Malheur à qui s’écarterait si peu que ce fût du programme minutieusement et ministériellement tracé : on lui couperait sans pitié les oreilles, c’est-à-dire les informations dont seule la Chancellerie dispose. Dans un chœur aussi bien réglé, tous les artistes ouvrent la bouche au signal et chantent à la baguette. Il serait dommage de les écouter sans les voir. Donc, regardons-les et instruisons-nous.

La note de M. de Bethmann-Hollweg et sa communication au Reichstag sont du mardi 12 décembre. Or, dès le 28 novembre, les deux journaux nationaux-libéraux, les Leipziger Neueste Nachrichten et les Münchner Neueste Nachrichten, attaquaient brusquement l’ouverture. La feuille de Leipzig n’y allait pas d’une main molle. Elle attribuait la Valachie à l’Autriche, le versant occidental des Vosges, Longwy et Briey à l’Allemagne ; et la semaine suivante, le 6 novembre, elle fixait les «points secondaires. » Anvers serait un port allemand ; l’état-major déterminerait ce qu’il conviendrait de garder de la Belgique pour qu’elle ne puisse plus servir de tête de pont à l’Angleterre. Le reste de la Belgique et de la France constituerait encore un gage suffisant pour rentrer en possession des colonies allemandes, arrondies du Congo. Pour que le peuple allemand ne risquât plus d’être affamé, on prélèverait en Russie de vastes territoires agricoles. Et, pour ne pas s’encombrer de questions de races, il conviendrait d’expulser autant que possible la population des pays annexés. La feuille de Munich appuyait et renchérissait. Le pire malheur, pour l’Allemagne, serait une paix indécise. Il lui fallait se couvrir contre l’agression russe par la constitution d’un État polonais et par l’annexion de la Courlande, de la Lithuanie, du gouvernement de Suwalki au moins jusqu’au Niémen. Contre l’agression française, dans l’Ouest, le Luxembourg allait devenir un État confédéré. L’Allemagne peut se suffire à elle-même et résister à un blocus, sauf pour le fer ; il est donc pour elle d’un intérêt vital de conserver le bassin de Briey. Le reste du sol français occupé constitue un gage que les Français devront racheter d’une façon ou de l’autre (et dans cette phrase se retrouve l’unisson de la Wilhelmstrasse).

Le 30 novembre, le 1er et le 7 décembre, c’est le tour de la Külnische Volkszeitung (Gazette populaire de Cologne), organe catholique, que n’anime guère qu’une fureur fort peu chrétienne. Pour l’existence de l’Allemagne, une paix sans annexions est inadmissible. Premièrement, l’Allemagne se fera restituer ses colonies, agrandies