grâce aux gages que représentent les territoires du Nord de la France. Mais ces gages sont assez précieux pour qu’on puisse exiger en outre une indemnité de guerre et la cession de certaines portions du sol français. L’état-major allemand, du point de vue militaire, exigera des rectifications de frontière ; et, du point de vue économique, à tout prix, l’Allemagne, qui veut du fer, a besoin du bassin de Briey, ; elle l’exigera donc aussi. Mais, du triple point de vue militaire, économique et politique, il est essentiel pour elle que la Belgique soit placée sous sa dépendance. En particulier, il lui faut les ports, Anvers, Zeebrugge et Ostende ; et comme on ne peut savoir si l’Angleterre n’utiliserait pas encore quelque autre point de la côte belge, le plus sûr est, par précaution, d’occuper cette côte tout entière.
La vieille Gazette de Cologne, la Gazette tout court, Kölnische Zeitung (numéro du 2 décembre), tient, sous une autre forme, le même langage. Les colonies allemandes seront restituées et agrandies. L’Allemagne protégera toutes les petites nationalités qui lui prouveront leur dévouement, mais « cela ne veut naturellement pas dire qu’elle travaillera à ressusciter la Belgique, la Serbie et la Roumanie qui lui ont été hostiles. » La Belgique restera économiquement et militairement sous la main de l’Allemagne. Du territoire français, on incorporera le bassin de Briey. Le plus piquant est que la Gazette prend des mines ingénues, affecte une prudente réserve : « Tant que la guerre n’est pas finie, dit-elle, toute discussion des conditions de la paix reste plus ou moins hypothétique ; le chancelier a eu raison de ne vouloir jamais préciser. » Elle ajoute ensuite pudiquement : « Nous ne savons pas ce que le gouvernement pense de notre programme. » « Notre programme » est admirable, et étonne en Allemagne même où l’on connaît les belles relations de la Gazette de Cologne. La Gazette de la Croix demande : « Devons-nous considérer cet ensemble de conditions de paix comme le reflet de la pensée du Gouvernement ? » A quoi il n’est répondu rien de clair, mais la question n’attendait pas de réponse, et, comme l’autre, la Gazette de la Croix fait le jeu.
Dans l’intraitable Deutsche Tageszeitung, M. de Reventlow se borne à répéter pour la centième fois que la possession de la côte belge est une condition sine qua non de la paix, afin de menacer l’Angleterre et de s’assurer la liberté des mers. Dans la Gazette de Voss, le professeur Schäfer estime que l’acquisition de Briey est une nécessité économique pour l’Allemagne ; mais qu’il serait également désirable de prendre Belfort, le versant occidental des Vosges, Toul, Verdun, un port sur les côtes de la Manche, et quelque autre chose