plutôt une héroïne de l’époque de Chateaubriand qu’une contemporaine de Voltaire.
Tout donne à supposer qu’avec ces brillantes séductions et malgré les nombreux hommages, facilités par son métier d’actrice, Thérèse demeura sage jusqu’à sa vingt-deuxième année. Du moins, nul témoignage sérieux n’incrimine sa vertu[1], avant que son destin n’ait placé sur sa route celui auquel elle devait associer sa vie. Et l’événement, autant qu’il y paraît, remonte à 1734. Dans une lettre de cette année et datée du 1er décembre, où il s’adresse à l’un de ses amis, La Pouplinière parle familièrement de celle qu’il nomme « notre jeune muse. » Or, c’est l’appellation par laquelle constamment, au cours de cette liaison, est désignée Thérèse, dans la correspondance intime de Voltaire, de Thiériot, de tous les beaux esprits qui fréquentaient le salon de La Pouplinière. Où et comment s’était opérée la rencontre ? Assurément dans les coulisses, ou tout au moins dans ces régions avoisinant la scène, où fraternisent les interprètes et les amateurs de théâtre. Thérèse des Hayes était alors dans tout l’éclat de sa radieuse jeunesse, assez jolie pour se passer d’esprit et assez spirituelle pour se passer, au besoin, de beauté, « une rose fraîche, à peine épanouie, et d’un parfum déjà irritant, » comme la qualifiera plus tard un subtil connaisseur[2].
Sur les circonstances de la chute, aucun détail n’est venu jusqu’à nous. La seule chose avérée, c’est que, dès le début, la liaison s’affirma comme tout autre chose qu’une simple amourette de passage. La preuve en est qu’elle entraîna l’adieu définitif de Thérèse au théâtre et l’abandon de sa brillante carrière, avec, pour conséquence, l’habitation sous le même toit, la vie, le ménage en commun[3], une association publique et quasi conjugale, à laquelle manquait seule la sanction officielle. Dans la famille Dancourt, une telle situation ne semblait ni neuve, ni choquante. Rien ne donne à penser qu’autour de la jeune fille
- ↑ On ne saurait considérer comme tel le passage de la correspondance de Grimm où il parle vaguement de « deux seigneurs de la cour, des mieux faits » avec lesquels Thérèse des Hayes aurait eu « des engagemens, » et qui se seraient effacés, à sa prière, pour laisser la place au rice financier. Grimm écrit plus de trente ans après l’histoire, et d’après des on-dit qu’il ne prend pas la peine de vérifier. Son insinuation est donc sans valeur.
- ↑ Nouveaux Mémoires du maréchal de Richelieu, tome III.
- ↑ Le fait résulte, non seulement du témoignage des biographes et mémorialistes, mais des termes mêmes du contrat de mariage, passé le 5 octobre 1737.